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12 février 2014 3 12 /02 /février /2014 10:33

LA POLITIQUE

 

(7/14)

 

Augustin Cochin (mort en héros pour la Patrie, le 8 juillet 1916, au Calvaire de Hardecourt), Archiviste paléographe, École des Chartes, La Révolution et la libre-pensée (travail formidable : exploration des archives de quarante et un départements, de douze chefs-lieux de district, d'une quarantaine de bourgs et villages), Imp.-Édit. Plon, Paris, 1924, chap. II : Le phénomène révolutionnaire et la méthode sociologique, chap. III : Les types actifs, I : Les machinistes, 1° Le phénomène révolutionnaire, La méthode sociologique, 2° La conception de l'État, 3° Le " Contrat social ", Deuxième section : Liberté ou la volonté socialisée (1789-1793), § 2 : Le moyen : la liberté idéale, Les résultats : L'orthodoxie jacobine, Troisième section : Justice ou les biens socialisés (1793-1794), chapitre unique : Les biens socialisés, Exposé, I : Le gouvernement révolutionnaire, II : L'entraînement, IV : Le moyen, Appendice I : Canevas d'une conférence 1907, Appendice II : La société et le parti, pages 65, 66-67, 69, 70, 72-73, 74, 75-76, 80-81, 82, 83-84, 152, 153, 168, 188, 230, 232, 235, 236, 240, 242, 259-260, 266, 267 :

 

Chapitre II

 

Le Phénomène révolutionnaire

Et la méthode sociologique

 

1° Le phénomène révolutionnaire

 

" Si nous envisageons le résultat, nous le trouvons prodigieux.

" Le phénomène révolutionnaire, courant d'idées qu'on appelle, selon le temps, philosophie ou libre-pensée ; selon le degré, libéral ou jacobin ; philosophe en 1750 et 1793, libre-pensée aujourd'hui, jacobin pendant la Révolution, terrorisme, - connu de tout le monde, - est un fait social indéfinissable.

" Et d'abord, est-ce bien un phénomène à part ? Les libres-penseurs diront que non : c'est l'histoire même de l'humanité ; la libre-pensée, c'est la pensée ; le peuple, c'est tout le monde.

" Mais les jacobins ne sont pas tout le monde, ni le Grand-Orient, qui est plutôt un des grands centres de libre-pensée, n'est pas que je sache un centre intellectuel. [...]

" ... le travail des sociétés de pensée a, par sa forme même et indépendamment de son objet, un effet d'orientation sur l'esprit. La pensée socialisée, pauvre d'intuition, séquestrée du réel, aboutit à des vérités réduites parce qu'elle est orientée vers le vide.

" Et quant aux motifs conscients allégués en leur temps par les révolutionnaires eux-mêmes et docilement accueillis par les historiens de la défense républicaine [de la république démocratique] - circonstances, révoltes, complots, famines, guerres, - c'était la façade présentée à dessein à l'opinion publique pour masquer le travail intérieur de la petite cité qui tyrannise la grande : pour égarer l'opinion, tantôt on l'endormait en faisant le silence sur des actes énormes et révoltants, tantôt on l'affolait en donnant une publicité bruyante à des mensonges absurdes.

" Il faut donc chercher, au-dessous de la psychologie consciente, le ressort caché du régime révolutionnaire. [...]

" [...] Les jacobins règnent en vertu d'une force impersonnelle qu'ils servent sans la comprendre et qui les brisera sans effort comme elle les a élevés. L'histoire du petit peuple a sa loi, son progrès, que ses citoyens mêmes ne connaissent pas. Et c'est la loi sociologique des sociétés de pensée. Ce n'est pas d'une anarchie spontanée que surgit la Révolution en 1789. C'est d'un lent et sourd travail de trente ans, préparant, chauffant comme un vase clos dans ces sociétés fermées les initiés, c'est-à-dire les esprits les plus aptes à subir l'influence déformatrice [le travail spécifique des sectes]. On ne naît pas libre-penseur, on le devient encore moins au grand air de la vie si chargée de réalités.

 

2° La conception de l'État

 

" [...] Et d'abord quelle est la théorie, quelle est la conception politique qui va germer et fleurir dans les sociétés de pensée ? Avant d'en discuter la valeur, il faut en préciser la portée.

" Elle part du principe de l'égalité de tous les hommes, par suite de leur indépendance absolue. Elle s'appellera le régime de la démocratie directe : c'est là le cumul de tous les pouvoirs dans les mêmes mains qui ne s'en dessaisissent à aucun moment. Et ce souverain aux pouvoirs illimités et sans appel, maître de la justice même, c'est le peuple, le peuple agissant de concert pour édicter d'une seule voix sa volonté commune, la volonté générale. Et cette volonté générale crée la loi, les droits, les devoirs et n'est responsable qu'envers elle-même. La vie et les biens de chacun sont ainsi à la disposition du peuple souverain.

" Telle est l'idée de la cité démocratique que l'on inculquera depuis 1760 aux adeptes des sociétés de pensée, choisis, entraînée, cultivée épurée par une sélection continue, façonnée en un mot et passionnée dans ce milieu artificiel jusqu'au jour où ils sortiront apôtres de cette nouvelle religion. Le catéchisme en sera le Contrat social que Rousseau publie en 1762.

" Afin de bien saisir le caractère de cette doctrine, le meilleur moyen est de la voir à l'œuvre dans le détail de son application. Ne la prenons pas dans son triomphe quand elle règne sans conteste en l'année de la Terreur - toutes les tyrannies se ressemblent, - mais plutôt qu'elle lutte deux années durant pour arriver au pouvoir, la démocratie directe se mesurant avec la démocratie constituée ou parlementaire que représente la Convention.

" [...] Où se trouve le peuple ? Dans la rue, et dans les clubs ou les « sociétés populaires », qui ne sont autre chose que « les sociétés de pensée. » Le souverain est immédiatement dans les sociétés populaires ", diront les jacobins. C'est là que réside, parle et agit le peuple souverain. Le peuple de la rue ne sera requis que pour les besognes et les exécutions.

" Il faut se représenter les sociétés populaires comme un immense réseau ressortissant à la société-mère, le club des Jacobins : un système nerveux transmettant jusqu'aux extrémités du pays les impulsions de ce cerveau.

" [...] Les sociétés populaires sont des cercles fermés : depuis la première loge jusqu'au dernier club jacobin, elles se recrutent par élimination.

" [...] Dès le début, les sociétés ont régenté les assemblées électorales, intriguant, tripotant, sous-prétexte d'exclure des traîtres qu'elles seules désignaient. Plus tard, elles les ont doublées de comités de surveillance. A la fin elles les ont fermées d'office : plus de représentants élus puisque le peuple règne et gouverne par lui-même.

" De ces faits se dégage claire et limpide la doctrine sociale de la Révolution française.

" De face, les principes : tous les hommes égaux, tous les hommes libres, tous les hommes affranchis de toute autorité.

" A l'envers de cette médaille, les faits : le peuple souverain est le petit peuple des sociétés fermées, triées, épurées, réduites, seul représentant authentique du peuple en soi, seul représentant du peuple en soi et de la volonté générale.

" Et ce petit peuple n'a rien de commun avec le grand peuple de France puisqu'il l'opprime et à la fin le tyrannise. En nombre, le petit peuple est une infime minorité. La pratique est l'opposé de la théorie. Tyrannie de fait au service d'une liberté de principe : tel est le bilan de la Révolution. L'idée contredit la réalité. Le sens des mots est interverti.

" Les dénominations morales changent d'acception. Ce n'est plus à la morale humaine que l'on demande le sens du juste, c'est à l'idée révolutionnaire. Tout acte, tout décret du peuple souverain est appelé révolutionnaire et dès lors déclaré légitime. Le fanatisme des tueurs, les tribunaux assassins, " justice du peuple " ; des vices odieux, " vertus civiques ".

" Contresens des mots ! faut-il dire mensonge ? Non. Ce n'est ni un mensonge concerté, ni un complot machiné. Une intrigue n'aurait pas cette puissance, ni cette étendue, ni cette durée. Ils ne mentent pas ; ils sont convaincus et entraînés. Ils subissent la loi du régime et cette loi les dépasse.

 

3° Le " Contrat social "

 

" D'où vient cette conception politique que nous venons de voir à l'exécution ? On est tenté de dire que c'est l'invention de Rousseau, car la Révolution s'est donné comme programme le Contrat social. Mais n'y a-t-il pas autant de raison de dire que Rousseau a pris pour modèle les sociétés de pensée ? A le lire, ne se croirait-on pas devant une loge, un ordre, une société : liberté absolue des opinions, égalité des membres, toutes les décisions prises au scrutin : rien de plus démocratique.

" [...] Et poussé jusqu'à cette limite, le Contrat social, seul, contient la doctrine. La forme suppose le fond.

" C'est ainsi que la société en soi, et celle-là seulement, prend un caractère différent des autres.

" La réalisation de cette virtualité dépend de quoi ? D'un travail purement intellectuel, « les lumières », et nullement d'un travail moral et réel, l'effort, la lutte intérieure. On « prend conscience » de cette liberté, de cette égalité, au contraire de la liberté ou de l'égalité chrétiennes qui sont des points d'arrivée qu'on conquiert et mérite par ses œuvres, et non des points de départ. [...]

" [...] Rousseau se doutait-il, en écrivant sa constitution idyllique [irréalisable, chimérique, utopique, et dont les conséquences ne pouvaient être par conséquent qu'extrêmement dangereuses ou dramatiques] qu'un jour on voudrait la réaliser et voyait-il son doux rêve [rêve qui n'a rien de doux] s'achever en cauchemar de sang dans la France terrifiée ? [Rousseau ne le voyait pas; car il l'a lui-même reconnu, ayant écrit : « Vous êtes bon de me tancer sur mes inexactitudes en fait de raisonnement. En êtes-vous à vous apercevoir que je vois très bien certains objets, mais que je ne sais point comparer, que je suis assez fertile en propositions, sans jamais voir de conséquences ». - Ce qui dénote chez lui un manque d'intelligence et une totale irresponsabilité.]

" Et cependant l'idéal conçu par Rousseau, du peuple libre par excellence, du peuple en soi [autrement dit du peuple-Dieu], de la démocratie directe, ne cesse d'attirer comme par une fascination invincible les démocrates de tout genre : fatalement ils y viennent et s'y laissent séduire [comme une mouche par le miel]. L'oracle est là ; la voix des principes parle là et là seulement [le chant des sirènes... nous dirions plutôt la voix du Séducteur ou du Prince de ce monde, car toute créature ne pouvant être à elle-même sa règle, l'ordre naturel lui prescrit d'obéir à Dieu toujours, Dieu étant le Souverain Bien, le Bien total, le fondement de la vraie Liberté, vers qui elle doit tendre et qu'elle connaît " sous la raison de bien ", ne se portant pas fatalement vers un bien particulier ou n'ayant avec celui-ci aucune connexion nécessaire].

" [...] Il y a une volonté du peuple a priori : les principes. Si le peuple réel, la " multitude " décide dans leurs sens, c'est bien ; sinon, c'est lui qui a tort et il y a là une personne pour la redresser, le peuple des " sociétés ", qui, lui, grâce à son organisation, est toujours dans la droite voie. Et quand même dans cette petite cité on serait dix contre mille, la voix de la " société " est bien la voix du peuple. [...]

" On conçoit le droit absolu de la majorité qui n'est qu'un absolu relatif. Mais telle n'est pas l'idée de la survie du peuple comme elle paraît dès 1789 : il y a un être bon, vertueux, juste, sage par excellence, le peuple. Le peuple est Dieu. Non pas en tant que majorité décidant contre une minorité mais absolument parlant.

" Donc les doctrinaires du régime, philosophes et politiciens depuis Rousseau et Mably jusqu'à Brissot et à Robespierre, le vrai peuple est un être réel. La volonté générale, la volonté citoyenne dépasse la volonté actuelle du plus grand nombre comme la grâce domine la nature dans la vie chrétienne. Rousseau l'a dit : la volonté générale, le vrai peuple, n'existe que virtuellement dans la conscience ou l'imagination des « hommes libres », des « patriotes » - des « citoyens conscients », dirait-on aujourd'hui.

" [...] La volonté générale a d'autres caractères, les principes ; c'est la volonté conforme aux principes. Voilà le vrai peuple. Le reste n'est que « quelques particulières histoires ». [...]

" L'action des sociétés sur le peuple n'est pas de pensée, mais de force. Telle est la vérité réelle devant laquelle s'évanouit comme un fantôme la vérité sociale.

" La force colossale du régime qui triomphera en 1793 n'est autre que la force d'inertie canalisée par la machination des sociétés occultes. [...]

" Ce n'est pas la lumière du vrai que représente la maçonnerie philosophique, c'est une pression aveugle sur le peuple maintenu dans l'ignorance par des initiés au secret [voir les travaux de l'abbé Barruel : Mémoires pour servir à l'histoire du jacobinisme].

" La façade vérité n'est qu'un mensonge. [...]

 

Chapitre Premier

 

L'organisation

 

§ 2. Le moyen : la liberté idéale.

 

" Un autre moyen d'entraînement est le vote des grandes masses et par acclamation, très favorable à la machine. On a remarqué en effet (cf. Le Bon, Psychologie des foules) que les foules s'assujettissent à des mouvements d'enthousiasme ou de haine presque mécaniques. Il y a une chimie des foules qui n'a rien a voir avec la raison [voir les techniques publicitaires et de désinformation]. Et c'est ce que les "wire-pullers" [les tireurs de ficelles] connaissent d'une façon tout objective, et ce que la machine est spécialement armée pour exploiter : 1° éloquence expressive, Stump. ; 2° applaudissements dispersés, Workers boys ; 3° les Démonstrations ou journées : la machine mobilise tout son contingent, tous ses moyens : Ex cortège pour Ferrer 1909 ; l'expression : "aller en masse".

" [...] Je n'insiste pas sur ces moyens dont on pourrait dresser tout un catalogue. Il y a toute une technique du travail de la machine. [...]

 

§ 3. La condition : la liberté, l'individualisme.

 

Les résultats : l'orthodoxie jacobine.

 

" [...] Comme l'a bien remarqué Durkheim, c'est la conformité qui remplace les anciens arguments de raison, de sentiment ou d'intérêt. Telle est la volonté du peuple. Voilà le nouvel et unique argument (1) [et ainsi tout ce décrète le peuple devient moral et rassure les consciences perverties]. On ne prêche plus, on fait voter, on présente un arrêt favorable - le jeu des adresses, le Cut and dried - avec l'argument du fait accompli. [...]

 

1) [Note de l'éditeur. Rapprochement contemporain : le professeur Lintilhac s'écriant au Sénat vers 1910 : " Lorsque la loi a parlé la conscience n'a qu'à se taire !"].

 

Chapitre Unique.

 

Les biens socialisés.

 

Exposé.

 

" Le respect est un élément moral qui suppose une loi morale et une conscience. Dans notre monde social il ne reste plus que la nature avec ses appétits. La philosophie de la libre-pensée a réduit la vie à un calcul d'appétits [et on ne parle plus que de gestion, car c'est la qualité de cette gestion qui valorise l'homme politique - et c'est tout ce que la Secte lui demande, parce qu'il est ainsi maniable à souhait, réduit à l'état d'une machine ou d'un robot].

 

" [...] Historiquement, cette troisième et dernière étape de la Révolution, où l'idée de Rousseau, la démocratie directe, achève de se réaliser, c'est l'année de la Terreur ou du gouvernement révolutionnaire (août 1993 -août 1794). C'est une vaste expérience collectiviste enserrant la France entière. [...]

 

I. Le gouvernement révolutionnaire

 

" ... le respect du verdict de la majorité : la loi, voilà le seul lien de cohésion ; celui qui le brise trahit l'intérêt des autres. [...]

 

II. L'entraînement

 

" Aussi fallut-il une préparation, un entraînement pour faire prendre consistance dans les esprits au mythe social de Rousseau, pour donner corps à cette fiction du peuple souverain se gouvernant par lui-même. Il fallait que ce mythe s'emparât des imaginations, que les uns fussent poussés à le réaliser et que les autres consentissent à le subir.

" Les trente ans de travail des sociétés maçonniques, philosophiques, littéraires, avaient familiarisé les esprits avec la thèse démocratique [travail que poursuivent tous les professeurs d'histoire, de lettres et de philosophie dont la responsabilité est capitale dans la décadence actuelle de notre société]. [...]

 

III. L'autocratie communiste

 

" Le communisme des biens n'est que la dernière application du Contrat social. Tout droit dérivant du Souverain-peuple, les biens comme les personnes sont entre ses mains.

" [...] Ce système contre nature exigea un si prodigieux déploiement de moyens de contrainte qu'il en reçu son nom : la Terreur. Le règne de l'impersonnel est un enfer : la démocratie - prince impersonnel - gouverne à rebours ; l'État - peuple impersonnel - travaille à perte : voilà les deux grandes vérités que nie la doctrine de la Révolution et que démontre son histoire.

 

IV. Le moyen

 

" Il n'est pas d'exemple dans l'histoire d'une plus profonde et plus complète dissolution sociale. La libre-pensée a tué la société parce qu'elle avait tué la personne humaine. Dissociant l'homme et l'isolant de toute attache naturelle et morale, elle l'a livré comme une épave au flot social ! En son âme, elle n'a laissé subsister que cette ruine, l'égoïsme, qu'elle a appelé raison et qui sera la haine ou la peur. [...]

 

Chapitre Trois

 

Les types actifs

 

I. - Les machinistes

 

" Désagréger la matière votante, isoler les individus, pour les rendre inorganiques, ce qui s'appelle liberté - indifférents et homogènes, ce qui s'appelle égalité ; - leur imposer néanmoins cette mutuelle adhérence qu'on nomme fraternité ; en un mot les réduire à un magma docile et pétrissable, tel est l'effet du machinisme.

 

Appendice I : canevas d'une conférence 1907

 

" Or, quel merveilleux moyen d'assurer l'isolement matériel que la liberté ! la liberté révolutionnaire, qui détruit les corps professionnels, les corps d'État, les corps provinciaux, qui déclare la guerre à tous ces organismes vivants qui étaient la France d'autrefois.

" De là cette rage d' "affranchir" que nous voyons sévir aujourd'hui, et d'affranchir les gens contre leur volonté : toutes les lois révolutionnaires sont des lois d'affranchissement, la loi des départements, les lois contre les congrégations religieuses, contre les corps de métier, contre les corps d'État, Sorbonne et Parlement, contre les corps provinciaux. C'est l'individualisme révolutionnaire qui est, on le voit, la première condition de bon fonctionnement de la machine." [...]

 

Appendice II : la société et le parti.

 

" ... et en France on sait quel limon de concussion et d'immoralité laissa l'inondation jacobine !

" La raison est facile à voir : la machine rend la corruption acceptable, lui donne une excuse. Tel qui hésitait jadis à se vendre à un candidat ou à un parti, qui achète pour son compte, n'hésite plus à se vendre à une société. Une si noble cause ennoblit tout, et le service qu'on lui rend, qui d'une bassesse devient un acte de vertu, et le prix qu'on en reçoit, qui d'un pot-de-vin devient une récompense méritée. La corruption prend l'apparence du devoir, et bien des consciences indulgentes s'y trompent.

Réflexion 1908-1909

" Ce parasite-là qu'on ne voit ni ne nomme, c'est le régime officiel de demain, le régime réel d'aujourd'hui, enfin parvenu à sa parfaite croissance et prêt à éclore, alors que bien des gens sont encore à savoir s'il existe. C'est la démocratie pure - dont la parlementaire n'est qu'une forme intermédiaire et bâtarde - l'étatisme universel et non limité comme le nôtre, le socialisme, collectivisme, syndicalisme, peu importe le nom : il n'y a là que des voies diverses convergeant plus ou moins droit vers le même terme."

 

Sommes-nous en république dans le vrai sens du terme ? Nous ne le pensons pas, parce que ce régime n'est pas compatible avec le régime dictatorial, alors que nous sommes en réalité sous le joug d'une dictature maçonnique instaurée subrepticement. Notre régime n'a en effet que l'apparence d'une république et ne procéderait des principes républicains que si les communautés naturelles avaient la possibilité de se maintenir en contact permanent avec le gouvernement et d'être obligatoirement entendues par celui-ci pour la sauvegarde de leurs intérêts vitaux. Or, et c'est là le drame ! notre prétendue république souffre d'une indigence chronique du fait qu'elle subit constamment les effets délétères d'une démocratie qui s'inspire des principes contre nature posés par Jean-Jacques Rousseau, dont les écrits sont l'œuvre d'un malade mental (cf. à ce sujet le réquisitoire irréfragable de Jacques Maritain) qui ne considérait que les droits d'un homme solitaire, d'un homme isolé de son milieu naturel, familial, professionnel, confessionnel, etc., de telle façon que tout homme, ainsi désarmé et par conséquent livré à tout vent de doctrine, est réduit à l'état d'un grain de poussière dont la Franc-Maçonnerie a fait son plus grand profit, tenant maintenant en main toutes les rênes du pays : diviser pour régner, ce qui lui aurait été impossible dans une véritable république. République, oui ; démocratie, non ; monarchie, trois fois oui. Cela les anciens le savaient (1). C'est une réponse logique à la grande question du meilleur des gouvernements, une conclusion quasiment mathématique ou irréfutable, parce que fondée sur l'observation des lois naturelles intangibles : république et démocratie sont en opposition ; et la monarchie, le meilleur des régimes (2). Aucune machine ne fonctionne sans règle ni loi universelle ou avec des principes n'ayant aucun fondement dans la réalité naturelle. Une intelligence n'est saine que si son raisonnement s'appuie sur des bases réelles en passant d'un objet perçu à un autre objet perçu ou d'une vérité à une autre vérité en opérant par mode de causalité dans une dépendance constante dans l'ordre de la vérité (3). C'est pourquoi nos institutions politiques étant basées depuis 1789 sur de dangereuses chimères, aucun Etat n'a pu et ne peut être refait. N'oublions quand même pas que la terreur jacobine n'est au fond que la conséquence logique des principes posés par Jean-Jacques Rousseau dans son Contrat social dont l'influence sur le totalitarisme nazi ou le socialisme national et le communisme est également évidente. On peut même soutenir que le principe du peuple souverain faisant du peuple un dieu juge de tout est d'origine satanique (4), parce que c'est bien le diable qui a voulu être à lui-même sa règle. En effet, nul être créé ne peut prétendre avoir la maîtrise du bien. " C'est bien là, dit le R. P. Philippe de la Trinité, O. C. D., le péché de l'esprit et la faute d'orgueil : le refus du surnaturel comme tel, le refus du souverain dominium de Dieu sur sa créature, le rejet de ce qui est la souveraine règle pour s'enfermer en sa nature. C'est la chute. " Nous voyons là les raisons de la condamnation sans appel du naturalisme que les Papes ont renouvelée maintes et maintes fois et sur laquelle aucun Pape ne reviendra en vertu des critères de l'infaillibilité du Magistère ordinaire de l'Église.

 

1 - Cf. Hérodote, Thucydide, Homère, Platon, Aristote, saint Thomas d'Aquin, Bossuet, Joseph de Maistre, etc

 

2 - et non le régime parfait, si ce n'est dans la future cité sainte, la Jérusalem nouvelle, où sera le trône de Dieu et de l'Agneau. - Cf. S. Thomas d'Aquin, Du Gouvernement Royal, l'incomparable et immortelle Encyclique Quas Primas du Pape Pie XI, et le sublime chapitre XI de l'Apocalypse dont aucune parole ne peut être retranchée.

 

3 - Cf. S. Thomas d'Aquin, II Anal., I, l. I, n° 4 ; S. th., II-I, q. 57, a. 2.

 

4 - La Paix intérieure des Nations, Les Enseignements Pontificaux, Présentation et tables par les moines de Solesmes, Desclée & Cie, Éditeurs Pontificaux, 1962, Encyclique du Pape Pie VI, 23 avril 1791 - à l'évêque d'Aléria, p. 7 :

 

" Il est inutile de parler ici en détail de toutes les délibérations qui ont été prises par l'Assemblée du Comtat. Il Nous suffit de rappeler :

 

" 1) les 17 articles sur les droits de l'homme qui ne sont qu'une répétition fidèle de la Déclaration faite par l'Assemblée nationale de France, si contraire à la religion et à la société, et que l'Assemblée du Comtat n'a adoptés que pour en faire la base de sa nouvelle Constitution." [Nous voudrions bien voir comment certaines personnes peuvent échapper à leurs contradictions en se prévalant de la foi catholique tout en se réclamant de ces articles dont Rousseau est le principal inspirateur. Il y a là un véritable acte d'apostasie. Quand d'aucuns soutiennent que la Démocratie chrétienne est le pire des partis, nous n'avons aucune difficulté à les suivre, n'ayant aucun argument à leur opposer - que cela nous plaise ou non.]

 

 Montesquieu, De l'esprit des lois, livre III, chapitre III :

 

" Il ne faut pas beaucoup de probité [parmi le peuple] pour qu'un gouvernement monarchique ou un gouvernement despotique se maintiennent ou se soutiennent. La force des lois dans l'un, le bras du prince dans l'autre, règlent ou contiennent tout. Mais, dans un État populaire, il faut un ressort de plus, qui est la VERTU [parmi le peuple].

" Mais ce que je dis est confirmé par le corps entier de l'histoire, et est très conforme à la nature des choses. Car il est très clair que dans la monarchie, où celui qui fait exécuter les lois se juge au-dessus des lois [1], on a besoin de moins de vertu que dans un gouvernement populaire, où celui qui fait exécuter les lois sent qu'il y est soumis lui-même, et qu'il en portera le poids.

" Il est clair encore que le monarque qui, par mauvais conseil ou par négligence, cesse de faire exécuter les lois, peut aisément réparer le mal [ce qui est déjà un avantage considérable sur la démocratie] : il n'a qu'à changer de conseil, ou se corriger de cette négligence même. Mais lorsque, dans un gouvernement populaire, les lois ont cessé d'être exécutées, comme cela ne peut venir que de la corruption de la république [ou du peuple], l'État est déjà perdu [le mal est donc devenu humainement irréparable]. [...]

" Les politiques grecs, qui vivaient dans le gouvernement populaire, ne reconnaissaient d'autre force qui pût les soutenir que celle de la vertu [force bien insuffisante et bien fragile en vérité]. [...]

" Lorsque cette vertu cesse, l'ambition entre dans les cœurs qui peuvent la recevoir [cf. la lutte des partis dans une démocratie], et l'avarice entre dans tous. Les désirs changent d'objets : ce qu'on aimait, on ne l'aime plus ; on était libre avec les lois, on veut être libre contre elles. Chaque citoyen est comme un esclave échappé de la maison de son maître ; ce qui était maxime, on l'appelle rigueur ; ce qui était règle, on l'appelle gêne ; ce qui y était attention, on l'appelle crainte [2]."

 

1) Ce qui est faux en ce qui concerne la monarchie française.

 

2) Cf. Platon (428 - 348 av. J.-C.), La République, VIII, 557 b, 558 b, 560 et 561 a, 562 a, 563 a, 564 a.

 

Id., ibid., livre XXX, chapitre XVIII :

 

" On croira peut-être que le gouvernement des Francs était pour lors bien dur, puisque les mêmes officiers avaient en même temps sur les sujets la puissance militaire et la puissance civile, et même la puissance fiscale : chose que j'ai dit, dans les livres précédents, être des marques distinctives du despotisme.

" Mais il ne faut pas penser que les comtes jugeassent seuls, et rendissent la justice comme les bachas la rendent en Turquie : ils assemblaient, pour juger les affaires, des espèces de plaids ou d'assises, où les notables étaient convoqués. [...]

" [...] Mais, qui que ce fût qui eût la juridiction, le roi, le comte, le gravion, le centenier, les seigneurs, les ecclésiastiques, ils ne jugèrent jamais seuls ; et cet usage, qui tirait son origine des forêts de la Germanie, se maintient encore lorsque les fiefs prirent une forme nouvelle."

 

Id., ibid., chapitre 5 :

 

" Je sais très bien qu'il n'est pas rare qu'il y ait des princes vertueux ; mais je dis que, dans une monarchie, il est très difficile que le peuple le soit [parce que le peuple n'est pas forcé à être vertueux ... Où est le despotisme ?]."

 

Id., ibid., livre V, chapitre VII :

 

Autres moyens de favoriser le principe de la démocratie :

 

" Si l'on établit un corps fixé qui soit par lui-même la règle des mœurs, un sénat où l'âge, la vertu, la gravité, les services donnent entrée, les sénateurs, exposés à la vue du peuple comme les simulacres des dieux, inspireront des sentiments qui seront portés dans le sein de toutes les familles [en politique, il ne faut jamais rêver].

" Il faut surtout que ce sénat s'attache aux institutions anciennes, et fasse en sorte que le peuple et les magistrats ne s'en départent jamais [le rêve continue].

" Il y a beaucoup à gagner, en fait de mœurs, à garder les coutumes anciennes. Comme les peuples corrompus font rarement de grandes choses, qu'ils n'ont guère établi de sociétés, fondé de villes, donné de lois ; et qu'au contraire ceux qui avaient des mœurs simples et austères [1] ont fait la plupart des établissements ; rappeler les hommes aux maximes anciennes, c'est ordinairement les ramener à la vertu [2]."

 

1) Où en sommes-nous au XXIe siècle ? Quand on voit, à travers les programmes de la télévision française, dans quel état moral se trouvent actuellement les Français, après avoir conclu que la généralisation et la croissance de l'immoralité sont inhérentes à la démocratie - rejoignant en cela la pensée de Platon cité plus haut, on peut se demander si l'État n'est pas déjà perdu.

 

2) Nous y voilà ! Quand on sait que l'Esprit des lois a cependant inspiré les révolutionnaires de 89 et troublé bien des esprits, il y aurait cependant quelques raisons d'être surpris, si l'on s'en tenait à une lecture superficielle qui masquerait les erreurs impardonnables que cet ouvrage contient.

 

Id., ibid., livre V, chapitre X : De la promptitude de l'exécution dans la monarchie :

 

" Le gouvernement monarchique a un grand avantage sur le républicain : les affaires étant menées par un seul, il y a plus de promptitude dans l'exécution. Mais, comme cette promptitude pourrait dégénérer en rapidité, les lois y mettront une certaine lenteur. [...]

" Les corps qui ont le dépôt des lois n'obéissent jamais mieux que quand ils vont à pas tardifs, et qu'ils apportent, dans les affaires du prince, cette réflexion qu'on ne peut guère attendre du défaut de lumières de la cour sur les lois de l'État, ni de la précipitation de ses Conseils. [...]

 

Id., ibid., chapitre XI : De l'excellence du gouvernement monarchique :

 

" Le gouvernement monarchique a un grand avantage sur le despotique [le gouvernement monarchique n'est donc pas un gouvernement despotique]. Comme il est de sa nature qu'il y ait sous le prince plusieurs ordres qui tiennent à la constitution, l'État est plus fixe, la constitution plus inébranlable, la personne de ceux qui gouvernent plus assurée."

 

Id., ibid., livre XXIV, chapitre II : Paradoxe de Bayle :

 

" C'est mal raisonner sur la religion, de rassembler dans un grand ouvrage une longue énumération des maux qu'elle à produits, si l'on ne fait de même celle des biens qu'elle a faits [des saints et des miracles, pour ce qui est de l'Église catholique, grâce aux vertus théologales de foi, d'espérance et de charité]. Si je voulais raconter tous les maux qu'ont produits dans le monde les lois civiles, la monarchie, le gouvernement républicain [ni saints ni miracles, avec les seules vertus naturelles, morales et politiques], je dirais des choses effroyables.

" ... celui qui n'a point du tout de religion, est cet animal terrible qui ne sent sa liberté que lorsqu'il déchire et qu'il dévore [avis aux révolutionnaires, aux athées et aux matérialistes]."

 

Id., ibid., chapitre III : Que le gouvernement modéré convient mieux à la religion chrétienne et le gouvernement despotique à la mahométane :

 

" La religion chrétienne est éloignée du pur despotisme : c'est que la douceur étant si recommandée dans l'Évangile [cf. les Béatitudes, dans S. Matthieu, 5 : 3-11], elle s'oppose à la colère despotique avec laquelle le prince se ferait justice, et exercerait ses cruautés.

" [...] Chose admirable! La religion chrétienne, qui ne semble avoir d'objet que la félicité de l'autre vie, fait encore notre bonheur dans celle-ci."

 

Id., ibid., chapitre IV : Conséquences du caractère de la religion chrétienne et de celui de la religion mahométane :

 

" [...] La religion mahométane, qui ne parle que de glaive, agit sur les hommes avec cet esprit destructeur qui l'a fondée [i.e. Mahomet]."

 

Id., ibid., chapitre VI : Autre paradoxe de Bayle :

 

" M. Bayle, après avoir insulté toutes les religions, flétrit la religion chrétienne : il ose avancer que de véritables chrétiens ne formeraient pas un État qui pût subsister. Pourquoi non ? Ce seraient des citoyens infiniment éclairés sur leurs devoirs [leurs devoirs d'état], et qui auraient un très grand zèle pour les remplir ; ils sentiraient très bien les droits de la défense naturelle ; plus ils croiraient devoir à la religion, plus ils penseraient devoir à la patrie [à la terre de leurs pères]. Les principes du christianisme, bien gravés dans le cœur, seraient infiniment plus forts que ce faux honneur des monarchies [en effet, la vaine gloire peut aisément s'introduire dans le cœur d'un monarque ou de n'importe quel chef d'État, prince ou président], ces vertus humaines des républiques [par opposition aux vertus théologales, celles qui font des saints], et cette crainte servile des États despotiques."  

 

Les Constitutions de la France depuis 1789, Présentation par Jacques Godechot, GF Flammarion, 1995, Introduction, page 7 :

 

« Sous l'Ancien Régime [gouvernement légitime], on parlait de Nation. Mais on désignait par là l'ensemble des ordres et des “ corps ” avec leurs “ libertés ” [franchises locales ou corporatives bien réelles et bien connues des historiens], leurs privilèges. Pour les philosophes [soi-disant tels], et surtout les disciples de Rousseau [et par conséquent de piètres philosophes], la Nation est composée d'individus égaux, les “ citoyens ”. La Nation, dans l'Ancien Régime est subordonnée au roi [régie par le roi]. Pour les théoriciens politiques qui suivent Diderot ou Rousseau, pour l'abbé Sieyès notamment [l'abbé Emmanuel Sieyès, prêtre passé à la Révolution, membre de la loge des ' Vingt-Deux '], la Nation est ' souveraine ', elle est donc supérieure au roi. [...] D'où l'importance de la loi, ' expression de la volonté générale ', selon la formule de Jean-Jacques Rousseau, et plus encore de la Constitution, qui est la loi par excellence, le “ contrat social ”. »

 

Id., chapitre premier : La Constitution de 1791, pages 24, 25 et 27 :

 

" La Déclaration de 1789 est donc restée célèbre dans sa rédaction du 26 août. Si d'autres déclarations des droits ont été publiées en 1793, c'est à celle de 1789 que se réfèrent, ainsi qu'on le verra plus loin, les constitutions du 27 octobre 1946 et du 4 octobre 1958 [à ne jamais oublier]. [...] La Déclaration française, au contraire, se veut universelle (1). Elle a subi l'influence des philosophes du XVIIIe siècle, et surtout de Locke, de Voltaire, de Rousseau. [...] Dès sa publication, elle eut dans le monde occidental un plus grand retentissement que les déclarations américaines à cause de son caractère beaucoup plus universel [mondial]. Elle devait devenir non seulement le dogme de la Révolution et de la liberté, mais, comme l'a dit Michelet, “ le credo du nouvel âge ”' et la base de toutes les constitutions françaises, ainsi que de la plupart des constitutions mondiales, jusqu'à nos jours [victoire incontestable de l'idéologie maçonnique]."

 

1) Montesquieu, De l'Esprit des lois, livre Ier, chapitre III :

 

" Il vaut mieux dire que le gouvernement le plus conforme à la nature est celui dont la disposition particulière se rapporte mieux à la disposition du peuple pour lequel il est établi.

" [...] La loi, en général, est la raison humaine, en tant qu'elle gouverne tous les peuples de la terre ; et les lois politiques et civiles de chaque nation ne doivent être que les cas particuliers où s'applique cette raison humaine.

" Elles doivent être tellement propres au peuple pour lequel elles sont faites, que c'est un très grand hasard si celles d'une nation peuvent convenir à une autre.

" Il faut qu'elles se rapportent à la nature et au principe du gouvernement qui est établi, ou qu'on veut établir ; soit qu'elles le forment, comme font les lois politiques ; soit qu'elles le maintiennent, comme font les lois civiles.

" Elles doivent être relatives au physique du pays ; au climat glacé ou tempéré ; à la qualité du terrain, à sa situation, à sa grandeur ; au genre de vie des peuples, laboureurs, chasseurs ou pasteurs ; elles doivent se rapporter au degré de liberté que la constitution peut souffrir ; à la religion des habitants, à leurs inclinations, à leurs richesses, à leur nombre, à leur commerce, à leurs mœurs, à leurs manières. Enfin elles ont des rapports entre elles ; elles en ont avec leur origine, avec l'objet du législateur, avec l'ordre des choses sur lesquelles elles sont établies. C'est dans toutes ces vues qu'il faut les considérer." [Nous sommes là bien loin de Rousseau et des hordes révolutionnaires qui psalmodiaient : " du passé faisons table rase ". Peut-il exister une civilisation sans conservation, sans capital, sans tradition ou sans histoire ? Et comment abstraire des lois universelles d'un très grand hasard ? N'étant pas armé philosophiquement et intellectuellement, le présentateur des "Constitutions de la France depuis 1789" n'a pas réalisé qu'il ne faisait que reprendre le sophisme idéaliste qui consiste à réduire l'être au connaître ou le réel à la pensée. D'ailleurs quand on constate l'engouement de nos politologues pour la pensée de Jean-Jacques Rousseau, on ne peut pas être surpris de l'indigence philosophique et intellectuelle de nos responsables politiques.]

 

John Locke (1632-1704), Deux traités du gouvernement, Deuxième traité du gouvernement : Essai sur l'origine, les limites et les fins véritables du gouvernement civil, chapitre VI : De la puissance paternelle, Librairie Philosophique J. Vrin, Paris, 1997, pages 167, 169, 171 :

 

" 55. Je conviens que les enfants ne naissent pas dans cet état de pleine égalité, même si la naissance donne un titre à y accéder. Quand ils viennent au monde et quelque temps par la suite, leurs parents exercent sur eux une sorte de pouvoir et de juridiction, mais seulement à titre temporaire. Les liens de cette sujétion sont comme les langes qui enveloppent et protègent la faiblesse de leur enfance. L'âge et la raison les délient au fur et à mesure de la croissance, jusqu'au jour où ils finissent par tomber tout à fait et laisser l'homme libre de disposer de lui-même. [...]

" 60. Si des défauts, tels qu'il peut s'en rencontrer dans le cours ordinaire de la nature, empêchent quelqu'un d'accéder à une maturité intellectuelle suffisante pour qu'on puisse le supposer capable de connaître la loi et de vivre dans l'observance de ses règles, il ne pourra jamais devenir un homme libre et on ne l'abandonnera jamais au gré de sa volonté propre ; car il n'en connaît pas les limites et ne possède pas l'entendement qui doit le guider ; on le maintient sous le magistère et le gouvernement d'autrui tant que son intelligence est incapable d'exercer ces fonctions." [...]

" 63. Ainsi la liberté de l'homme et sa faculté d'agir selon sa volonté propre se fondent-elles sur le fait qu'il a une raison, capable de lui enseigner la loi sur laquelle il doit se régler et de lui faire connaître dans quelle mesure il reste libre de suivre sa propre discrétion. Le lâcher dans une liberté sans frein avant que la raison ne le guide, ce n'est pas reconnaître à sa nature le privilège d'être libre, mais le jeter dehors au milieu des brutes et l'abandonner à un état misérable, aussi inférieur que le leur à celui d'un homme."

 

Id., chapitre II : De l'état de nature, pages 140, 141-142 :

 

" 6. Cependant, bien qu'il s'agisse d'un état de liberté, ce n'en est pas un de licence [il n'y a donc pas de Liberté à tout prix]. [...].

" 7. [...] la loi de la nature serait vaine, si personne, dans l'état de nature, n'avait le pouvoir d'en assurer l'exécution pour protéger les innocents [par exemple les créatures humaines dans le sein de leur mère] et imposer la retenue aux délinquants [...].

" 8. [...] En transgressant le droit naturel, le délinquant déclare qu'il vit selon une autre règle que celle de la raison et de l'équité commune établie par Dieu comme mesure des actions des hommes, en vue de leur sécurité mutuelle ; partant, il devient dangereux pour l'humanité [...] donc, pour infliger à quiconque a violé cette loi des maux qui lui donnent lieu de s'en repentir et, par là, empêcher l'intéressé lui-même, ou d'autres, suivant son exemple, de commettre de tels méfaits. En ce cas et pour ce motif, tout homme est en droit de punir le délinquant et de se faire l'exécuteur du droit naturel. [...]

" 11. [...] et aussi pour garantir les gens contre les tentatives d'un criminel ; car, celui-ci ayant abjuré la raison [...] et on peut donc le détruire comme un lion ou un tigre, comme l'une de ces bêtes sauvages, près de qui l'être humain ne connaît ni société, ni sécurité. [...]

" 12. [...] S'il est vrai que je m'écarterais de mon propos actuel en entrant ici dans les détails de la loi naturelle et de la gradation des peines qu'elle prévoit, il n'en est pas moins certain qu'une telle loi existe, tout aussi intelligible et claire aux yeux d'une créature raisonnable attachée à son étude que l'est le droit positif d'une république, peut-être même plus claire [ce n'est certainement plus le cas à notre époque où les hommes ne sont même pas capables de reconnaître l'existence de la loi naturelle ou sont dépourvus de conscience morale] [...] car voilà ce que sont un grand nombre des lois civiles des divers pays, justes seulement dans la mesure où elles se fondent sur le droit naturel qui doit les régir et servir à les interpréter." [C'est exactement la pensée de saint Thomas d'Aquin.]

 

Id., chapitre X : De la propriété, page 155 :

 

" 32. [...] La superficie de terre qu'un homme travaille, plante, améliore, cultive et dont il peut utiliser les produits, voilà sa propriété. Par son travail, peut-on dire, il l'enclot et la sépare des terres communes."

 

Id., chapitre IX : Des fins de la société politique et du gouvernement, pages 205, 213 :

 

" 124. [...] Quoique le droit naturel soit clair et intelligible pour toutes les créatures raisonnables, le parti pris de l'intérêt et l'ignorance qui résulte du manque d'étude empêchent les hommes de lui reconnaître la valeur d'une loi qu'ils seraient obligés d'appliquer dans leurs affaires particulières [où en est actuellement le monde du troisième millénaire dont la pensée a été l'objet d'un sabotage méthodique ?]. [...]

" 135. [...] La loi de la nature, comme règle éternelle, s'impose donc à tous les hommes, les législateurs aussi bien que les autres. Les règles auxquelles ils soumettent l'activité d'autrui, tout comme cette activité même et comme leurs propres actions, doivent se conformer à la loi de la nature, c'est-à-dire à la volonté de Dieu, qu'elle a pour objet de déclarer : puisque la loi fondamentale de la nature s'identifie à la conservation de l'humanité, toute sanction humaine qui s'oppose à celle-ci est nulle et sans valeur. [...]

" 136. [...] Comme la loi de la nature n'est pas une loi écrite et qu'on la trouve que dans l'esprit des hommes, ceux que la passion ou l'intérêt incitent à la citer en la déformant, ou à en faire une fausse application, ne sont pas si faciles à convaincre de leur erreur en l'absence d'un juge établi [toute la question est là - et où l'on voit le rôle capital que peut jouer le Pontife romain ou le vrai et unique vicaire du Christ qui est infaillible en matière de foi et de morale]."

 

Id., chapitre XIX : De la dissolution du gouvernement, page 268 :

 

" Je suis sûr d'une chose : quiconque, gouvernant ou sujet [ou secte], entreprend de porter atteinte par la force aux droits du prince ou du peuple et prépare le renversement de la constitution  et de la structure de n'importe quel gouvernement légitime [faudrait-il nier la légitimité des rois de France ? (1)] se rend coupable d'un crime, que le crois être le plus grave qu'un homme puisse commettre, car il doit répondre de tous les maux du sang versé, de la rapine et de la désolation, dont le pays est devenu la proie à la suite de la destruction du gouvernement [royal]. Quiconque agit ainsi mérite que l'humanité le considère comme un ennemi commun et comme une peste ; et on doit le traiter comme tel."

 

 1) Cf. Guy Coutant de Saisseval, La Légitimité Monarchique en France, le droit royal historique (brochure de 40 pages), Éditions de La Seule France, 10, rue Croix des Petits Champs, Paris (Ier), 1959.

 

Pape Pie VI, Allocution au Consistoire, 17 juin 1793 :

 

" Le roi très chrétien Louis XVI a été condamné au dernier supplice par une conjuration impie, et ce jugement s'est exécuté.

" Nous vous rappellerons en peu de mots les dispositions et les motifs de cette sentence. La Convention nationale n'avait ni droit ni autorité pour la prononcer."

 

Edgar Allan Poe (1809 - 1849), Colloque entre Monos et Una :

 

" En dépit de la voix haute et salutaire des lois de gradation qui pénètrent si vivement toutes choses sur la terre et dans le ciel, des efforts insensés furent faits pour établir une démocratie universelle."

 

René Guénon, La crise du monde moderne, Éd. Gallimard, 1946, pp. :

 

" Si l'on définit la ' démocratie ' comme le gouvernement du peuple par lui-même, c'est là une véritable impossibilité, une chose qui ne peut pas même avoir une simple existence de fait, pas plus à notre époque qu'à n'importe quelle autre ; il ne faut pas se laisser duper par les mots, et il est contradictoire d'admettre que les mêmes hommes [individus] puissent être à la fois gouvernants et gouvernés, parce que, pour employer le langage aristotélicien, un même être ne peut être ' en acte ' et ' en puissance ' en même temps et sous le même rapport."

 

Christian Jacq, docteur en études égyptologiques, Le Voyage initiatique, Éditions du Rocher, Monaco, 1986, page 147 :

 

" La fameuse égalité de toutes les démocraties est l'un des plus sordides mensonges jamais inventé par les ambitieux avides de pouvoir personnel."

 

Les Protocols des Sages de Sion (un exemplaire d'une deuxième édition des " Protocols " est entré au British Muséum de Londres, le 10 août 1906, où il a été répertorié sous le n° 3926 - D 17 ) :

 

L'Anarchie nous livre les Peuples

 

L'idée de liberté est irréalisable, parce que personne ne sait en user avec juste mesure : il suffit de laisser le peuple se gouverner lui-même pendant quelque temps pour que cette liberté devienne du relâchement. Dès lors naissent des conflits intérieurs qui ne tardent pas à dégénérer en guerres sociales dans lesquelles les Etats se consument et où leur puissance se trouve réduite en cendres. Qu'un Etat s'épuise dans ses convulsions intestines ou que les guerres civiles le livrent au pouvoir des ennemis extérieurs, il peut, dans l'un et l'autre cas, être considéré comme irrémédiablement perdu ; il est en notre pouvoir...

 

La Foule est aveugle et veule

 

Pour élaborer un plan d'action coordonné, il faut tenir compte de la bassesse, de l'instabilité, de la versatilité de la foule, de son incapacité à apprécier les conditions de sa propre existence et de son bien-être ; il faut comprendre que la foule est aveugle, impulsive, dépourvue de jugement, prêtant servilement l'oreille à droite et à gauche.

Un aveugle ne peut guider d'autres aveugles sans risquer de les conduire vers le précipice. Par conséquent, les parvenus, issus de la foule - fussent-ils des génies, mais non initiés à la politique - ne peuvent prétendre la diriger, sans s'exposer à perdre tout leur troupeau

 

Henri La Croix-Haute, Propos sur " Les Deux Lumières " de Henri Coton-Alvart suivis de " Fragments d'Hermétisme " et de ses " Contes philosophiques ", Le Mercure Dauphinois, Geneviève Dubois, 2001, Grenoble - France, page 49 :

 

" La finalité du sens de la vie paraît être dans un accroissement qualitatif généré par quelques individus, car la masse tire toujours vers le bas. Selon la juste formule d'André Suarès : ' N'est-ce pas la médiocrité des hommes qui assure le train du monde ?' Platon en eut conscience quand il comprit que la démocratie, loin d'appeler au pouvoir les gens vertueux, suscitait la foire d'empoigne des médiocres et le nivellement aux bas instincts."

 

Louis Jugnet, Professeur de " khâgne " au Lycée Fermat de Toulouse et chargé de cours à l'Institut des Sciences politiques, Premier cahier de textes inédits, Vérité et Libéralisme, Imprimerie Gerbert, 1975, page 17 :

 

" N'est-il pas démontrable de façon irréfutable, par exemple, qu'organiser une société, c'est en différencier les éléments ? [La société n'est-elle pas semblable à tout corps organisé composé de plusieurs éléments dont chacun a une fonction propre ?] Que différencier c'est hiérarchiser et que hiérarchiser étant en fait synonyme d'inégaliser, la notion de Démocratie organisée - ou civilisée - est aussi impensable que celle de cercle carré puisque toute Démocratie tend à égaliser et à niveler (1)."

 

1) Cf. Ire aux Corinthiens, 12 : 12-27.

 

Hérodote (v. 484 - v. 425 av. J.-C.), historien grec, considéré comme " le père de l'histoire " (en réalité, le vrai Père de l'Histoire fut Moïse, et non pas Hérodote), L'Enquête ( Histoires), livre III, Choix d'un gouvernement :

 

" (80). [...] Qu'ils adoptent le régime démocratique, ceux qui voudraient nuire à la Perse ! [ou à une autre nation]. [...]

" (82). Tel fut l'avis de Mégabyse. Darius, en troisième, lui, donna le sien : ' [...] Trois formes de gouvernement s'offrent à nous ; supposons-les parfaites toutes les trois - démocratie, oligarchie, monarque parfaits - je déclare que ce dernier régime [le régime monarchique] l'emporte nettement sur les autres. [...] Donnez maintenant le pouvoir au peuple : ce régime ne pourra pas échapper à la corruption ; or la corruption dans la vie politique fait naître entre les méchants non plus des haines, mais des amitiés tout aussi violentes, car les profiteurs ont besoin de s'entendre pour gruger la communauté. Ceci dure jusqu'au jour où quelqu'un se pose en défenseur du peuple et réprime ces agissements ; il y gagne l'admiration du peuple et, comme on l'admire, il se révèle bientôt chef unique ; et l'ascension de ce personnage prouve une fois de plus l'excellence du régime monarchique. D'ailleurs, pour tout dire en un mot, d'où nous est venue notre liberté ? A qui la devons-nous ? Est-ce au peuple, à une oligarchie, ou bien à un monarque ? [pour la France, nous la devons à Philippe-Auguste, le fondateur de l'unité française]. Donc, puisque nous avons été libérés par un seul homme (libérés du joug des Mèdes par Cyrus). Mon avis est de nous en tenir à ce régime et, en outre, de ne pas abolir les coutumes de nos pères lorsqu'elles sont bonnes : nous n'y aurions aucun avantage."

 

 

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