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21 novembre 2012 3 21 /11 /novembre /2012 16:48

 

« Voici maintenant les raisons qui justifient ce mode d’oraison. En premier lieu, bien que d’ordinaire il n’y est point de discours, il y a cependant demande, et dans les courts intervalles de temps où Notre-Seigneur tient l’âme dans le repos, il y a exercice de toutes les vertus, et alors il y a également demande : non par un acte manifesté par le signe extérieur de la parole, mais par un acte formellement exercé : “Non in actu signato, sed in actu exercito”, comme s’expriment les théologiens. Et, en effet, que ne demande pas une âme qui se tient silencieuse en la présence de Dieu, avec la foi qu’en paraissant devant Lui, son cœur et ses désirs Lui sont manifestés ; attendu que, pour Dieu, les désirs sont ce que les paroles pour les hommes, suivant ces paroles de David :“Le Seigneur a exaucé le désir des pauvres : Desiderium pauperum exaudivit Dominus ” (14). Dieu entend non seulement les paroles, mais encore les désirs des justes qui sont pauvres. De cette manière, celui qui paraît devant Dieu croit que de là lui doit venir tout bien ; il aime, il s’humilie, il s’exerce, et parce qu’il va par le chemin de Dieu en laissant ses voies propres, il trouve tous les biens réunis.

Secondement, par ce mode d’oraison, on persévère plus longtemps dans l’entretien avec Dieu ; et l’on infère de là cette oraison a été celle d’un très grand nombre de saints, attendu que le discours fatigue, et que les saints se maintenaient dans une oraison continuelle.

Troisièmement, quant à la réforme que l’on prétend obtenir pour une âme par la voie du discours, il est évident que le divin Maître l’opère, et d’une manière bien plus efficace dans ceux qu’il conduit par le chemin dont nous parlons. En effet, ils ont un soin continuel de leur avancement, ils sont soumis à leurs supérieurs, ils sont plus maîtres de leurs, ils dominent mieux les adversités, et leurs ministères ont plus d’efficacité auprès du prochain.

« Cette voie, il est vrai, n’est pas pour tous, et il faut suivre ici ce que saint Ignace a établi. Mais elle est très certainement  pour tous ceux à qui il plaira à Dieu de la communiquer ; elle est pour ceux qui depuis longtemps usent de l’oraison de discours, et que les supérieurs, qui sont juges en cette cause, estiment y être appelés par Notre-Seigneur. Et ceci est conforme à ce qui s’est passé dans notre Père saint Ignace ; car bien que, dans les commencement, il marchât par le chemin qu’il nous a tracé et qu’il nous a enseigné par les Exercices ; dans la suite, néanmoins, il fut élevé à cet autre mode d’oraison, ainsi qu’il est dit dans sa vie : “Postea erat patiens divina ” : Plus tard, il était passif à l’égard des opérations divines. De plus, si dans toutes les sciences il doit y avoir un commencement, un milieu et une fin, il est évident qu’il en est ainsi de la science de l’oraison. Et que ces trois degrés se trouvent dans la Compagnie qui désire si ardemment de plaire à Dieu, c’est chose manifeste. Il y a des religieux que Dieu Notre-Seigneur élève à ce mode d’oraison. Or, que des hommes sans expérience tentent de les en retirer au détriment de leur âme et de leur corps, c’est selon moi, ce qu’ils ne peuvent faire en sûreté de conscience. Voici comment s’exprime Osuna dans son Abécédaire : Ceux-là ne sont pas exempts de faute qui écartent les âmes du chemin de Dieu. Il dit encore : Dieu abrégera la vie des supérieurs qui agissent de la sorte, s’ils ne reviennent pas sur leurs actes. Que par voie d’examen et d’épreuve, on retire passagèrement de ce mode d’oraison ceux qui y sont élevés, c’est autre chose ; les supérieurs le peuvent faire avec justice, c’est un droit de leur charge.

« Voilà quels sont mes sentiments sur ce qui se passe et s’est passé en moi, sur le mode de mon oraison, et sur la cessation, par intervalles, des discours, à cause de la présence de Dieu.

« Avec toute l’humilité d’un sujet à l’égard de son supérieur, je vous prie de trouver bon que cet écrit soit uniquement pour Votre Paternité. »

 

Telle est la Relation donnée par le Père Balthasar Alvarez. Elle met au grand jour sa sainteté et son héroïque vertu. Car, dès le début, il confesse avec une rare humilité ses fautes, son peu de qualités pour être estimé, l’état de misère et de pauvreté où il s’était vu. Il expose ensuite l’abondance des biens spirituels que Notre-Seigneur lui communiqua, enfin que l’on découvre par là le peu qu’était dans son fonds, et la libéralité du divin Maître qui opéra dans son cœur un si merveilleux changement. Cette insigne faveur renferme en elle tant et de si grands dons, que, pour les apprécier chacun en particulier, il nous faudrait de longues pages. Enfin, le Père Balthasar signale l’oraison sublime à laquelle Notre-Seigneur l’éleva : c’étaient les plus hauts degrés de la contemplation divine, faveur qui ne s’accorde que rarement en ce monde.

Il n’écrivit cette Relation qu’après avoir vaqué pendant quinze jours aux Exercices spirituels, dans le recueillement et la solitude. La veille du jour où il devait l’envoyer à Rome, il la donna à un Père grave, le priant de la corriger. Celui-ci en prit une copie qu’il garda secrètement plusieurs années. Plus tard il la publia, et c’est ainsi qu’elle est venue dans nos mains. Mais comme elle renferme plusieurs choses de la plus haute importance pour les personnes d’oraison, et que quelques-unes de ces personnes pourraient se tromper en les prenant dans un sens qui n’est pas celui du Père Balthasar, sans sortir de l’histoire, nous les expliquerons dans les chapitre qui vont suivre.

1)  Jérémie, 15 : 19 ;

2)  Psaumes, 30 : 8 ;

3)  I S. Pierre, 5 : 7 ;

4)  Psaumes, 143 : 2 ;

5)  S. Thomas d’Aquin, S. th., 2, 2, q. 24, art. 9 ;

6)  S. Thomas d’Aquin, S. th., 2, 2, q. 182, art. 2, ad. I ;

7)  Cantiques, 2 : 7 ;

8)  Ibid., 3 : 4 ;

9)  I Corinthiens, 9 : 7 ;

10)                S. Luc, 19 : 42 ;

11)                Ecclésiaste, 6 : 1 ;

12)                Psaumes, 33 : 9 ;

13)                Psaumes, ch. 8 ;

14)                Psaumes, 9 : 17.

 

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ID., ibid., chapitre XIV, Explication plus ample de ce mode d’oraison. — Dessein de Notre-Seigneur en l’accordant au Père Balthasar. — Raisons pour lesquelles Il le lui différa quelques années, pages 144-158 :

 

Les vies des saints, en général, présentent un tableau d’une admirable variété. Ce tableau, l’Église le met sous les yeux de tous ses enfants, parce qu’il est utile à tous. Mais elle nous enseigne en même temps que s’il est dans les saints des choses accessibles à notre imitation, il en est d’autres dans lesquelles nous n’avons qu’à admirer et à glorifier Dieu. Cependant son bras n’est pas raccourci : de nos jours encore, Il fait éclater ces mêmes merveilles de sa grâce dans d’autres justes. Et ceux-ci, pour marcher par un chemin sûr, n’ont qu’à lire les vies des grands modèles en qui ces dons extraordinaires ont resplendi. Ainsi en est-il de la vie du Père Balthasar Alvarez, et de tout ce qui touche à son mode d’oraison, rapporté dans le chapitre précédent. C’est pourquoi nous jugeons très utile d’expliquer plus en détail tout ce qu’embrasse ce mode d’oraison ; les fins pour lesquelles Notre-Seigneur l’accorda à ce saint homme, et l’accorde à d’autres de ses serviteurs ; les causes pour lesquelles Il le lui différa pendant seize ans ; les fruits et les faveurs qu’Il lui communiqua avec ce mode d’oraison, et qu’Il communique à ceux qui, comme lui, se montrent fidèles dans Son service ; la vocation par laquelle ce serviteur de Dieu fut appelé à ce mode d’oraison, vocation nécessaire à tous ceux qui marchent par cette voie, s’ils veulent y avancer d’une manière sûre. Nous exposerons ensuite les sécurités et les avantages du mode ordinaire d’oraison, dans lequel saint Ignace s’y exerça d’abord, et par lequel il mérita les faveurs qui lui furent accordées. Enfin, nous dirons tout ce qui sera convenable pour bien entendre la Relation du Père Balthasar, et pour reprendre le fil de notre histoire.

La nature de ce mode d’oraison et tout ce qu’il embrasse ont été expliqués avec plus d’étendue par le Père Balthasar Alvarez lui-même dans un autre traité qu’il écrivit sur ce sujet, pour répondre aux difficultés qu’on lui opposait. Nous en parlerons en son lieu, et nous rapporterons ses réponses, qui sont d’une très grande importance. Ici, nous nous bornerons à donner une explication précise et lumineuse de ce mode d’oraison, tirée des noms que lui donnent les maitres de la vie spirituelle, et le Père Balthasar lui-même. Ils indiquent par ces noms ce qu’elle est, ce qu’elle renferme, et les effets qu’elle produit.

Premièrement, elle s’appelle oraison de la présence de Dieu. Sans doute, quel que soit le mode de prier, que l’oraison soit mentale ou vocale, il est nécessaire, pour s’en bien acquitter, que celui qui prie considère, par la lumière de la foi, que Dieu est présent, qu’Il écoute et qu’Il entend ce qu’il Lui dit ; car qui s’imaginera de parler à celui qu’il croit absent et qui ne peut ni l’écouter ni le comprendre ? Néanmoins ce mode d’oraison est appelé spécialement oraison de la présence de Dieu, parce qu’alors l’âme, éclairée par la lumière divine, voit, sans aucun raisonnement, Dieu tellement présent auprès d’elle ou au-dedans d’elle-même, qu’Il lui semble sentir. Celui auquel elle parle et devant Lequel elle se tient. C’est ainsi que saint Paul dit de Moïse : « Il traitait avec l’Invisible comme s’il L’eût vu : Invisibilem tanquam videns sustinuit (1). » De là procèdent, comme naturellement, le respect, l’admiration, le mouvement affectueux de la volonté, la complaisance et la joie d’être en sa présence. L’âme, dans cet état, ressemble à quelqu’un qui, ayant devant lui une personne ou un portrait d’une rare beauté, contemple avec admiration l’objet qu’il a sous les yeux, et se complaît dans la vue de cette beauté.

De là vient que cette oraison est encore appelée de quiétude ou de recueuillement intérieur, parce que là cessent la multitude, la variété et le tumulte des images et des pensées. Les puissances supérieure de l’âme, la mémoire, l’entendement et la volonté, y sont recueillies et fixées en Dieu et dans la contemplation de Ses mystères, avec une grande tranquillité et un grand repos dans leurs actes. C’est cette oraison qui, à proprement parler, est appelée contemplation, et qui, d’après saint Thomas (2) et les autres docteurs est appelée contemplation, ainsi que nous l’avons exposé au long dans notre livre du guide spirituel, diffère de beaucoup de la méditation. Celle-ci, en effet, va discourant d’une chose à l’autre, comme qui cherche la vérité cachée ; elle travaille à l’approfondir, et n’arrive à la saisir qu’à l’aide de plusieurs raisonnements. La contemplation, au contraire, voit d’un simple regard la Vérité souveraine, admire sa grandeur, s’y complaît et en jouit. C’est ce que le Psalmiste exprime en ces termes ; « Reposez-vous, et voyez que je suis Dieu. Goûtez, et voyez combien le Seigneur est doux : Vacate, et videte quoniam ego sum Deus. Gustate, et videte quniam suavis est Dominus (3) ».

Cette oraison s’appelle aussi oraison de silence, parce qu’en elle Dieu parle et l’âme se tait : son occupation est d’écouter attentivement ce que le Maître céleste lui dit au cœur, ce qu’Il lui enseigne et lui découvre ses mystères. Mais on ne doit pont penser, comme se l’imagine quelques ignorants, que ce silence de l’âme est la cessation de tous les actes des puissances intérieures ; car cette cessation de tout acte est choses impossible, à moins qu’on ne dorme ; ce serait un effort très pénible et même nuisible ; ce serait, en outre rester oisif, perdre le temps, et s’exposer à un danger réel, aux mille rêveries de l’imagination, et aux pensées mauvaises ou impertinentes de l’esprit de ténèbres. Il est donc certain que, dans les intervalles où Dieu n’opère point dans l’âme, celle-ci doit agir avec son entendement et sa volonté ; et même pendant que Dieu ; et même pendant que Dieu opère en elle, elle a encore sa part d’action, agissant avec Lui, à peu près comme l’écolier qui écoute en silence la leçon de son maître, et qui agit intérieurement, puisqu’il perçoit, saisit et sent  ce que son Maître lui enseigne. Ainsi, si cette oraison s’appelle de silence, ce n’est pas seulement parce que la langue se tait, ce qui a lieu en toute oraison mentale, ni parce que les puissances intérieures y sont dans un silence absolu, mais parce que leur action consiste alors à recevoir Dieu, en la manière dont parle le roi-prophète quand il dit : « J’écouterai ce que dira en moi le Seigneur mon Dieu : Audiam quid loquatur in me Dominus Deus (4) ».

Dans cette oraison, en effet, Dieu daigne instruire sa créature, parle à son cœur, lui révéler et l’affectionner à elles par un véhément attrait, sans qu’elle ait besoin de recourir à ses propres industries, ainsi qu’elle y est obligée dans ses méditations et ses prières, où elle multiplie ses actes. C’est dans ce sens que saint Denys dit du divin Hiérothée : « Erat patiens divina » : Il recevait passivement les choses divines », se comportant dans son commerce avec Dieu plus comme un disciple qui reçoit l’enseignement de son maître, que comme un homme qui, par ses soins et son industrie, cherche à découvrir la vérité qu’il ne saisit pas. Cela explique comment ce mode d’écouter ou cette attention intérieure à la voix de Dieu s’appelle silence : c’est qu’alors toutes les créatures se taisent dans le cœur, et qu’il n’y a rien qui le trouble ou l’inquiète. Pour la même raison, ce mode de prier s’appelle sommeil spirituel dans les Cantiques (5), parce que le cœur veille et agit de telle sorte pour connaître et aimer son Dieu, pour converser avec Lui, que l’âme est comme plongée dans le sommeil pour toutes les choses extérieures ; en sorte qu’elle ne voit rien de ce qui se fait hors d’elle, et n’entend rien de ce qu’on lui dit. De là vient aussi que cette oraison s’appelle oraison d’union, parce que l’âme, par la grandeur de Ses lumières et de Son amour, s’attache si fortement à Dieu qu’elle devient selon l’expression de saint Paul, un même esprit avec Lui (6), sans pouvoir dans cet état se séparer de Lui, pour vouloir, ou aimer, ou considérer autre chose que son divin objet ; en sorte qu’elle dit avec le roi-prophète : « Qu’y a-t-il pour moi dans le ciel, et que désirè-je sur la terre, sinon Vous, ô mon Dieu ? : Quid mihi est in coelo ? et a Te quid volui super terram (7) », et avec l’Epouse des Cantiques : « J’ai trouvé le Bien-Aimé de mon âme, je L’ai saisi, et je ne Le quitterai plus : Inveni quem diligit anima mea : tenui eum, nec dimittam (8) ».

Tels sont les noms les plus ordinaires de cette oraison si élevée, dans laquelle l’âme est éclairée de très hautes lumières, et ressent d’admirables effets en contemplant les mystères divins. Tantôt c’est par certaines figures, visibles à l’imagination, et que Notre-Seigneur grave dans l’âme ; tantôt c’est par la pure lumière intellectuelle, de beaucoup supérieure, à l’aide de laquelle le divin Maître élève l’âme jusqu’au sommet de la théologie mystique. C’est ce que saint Denys appelle « entrer dans la nuit divine : In divinam caliginem », dans les ténèbres souverainement resplendissantes de Dieu qui est la lumière inaccessible, et s’élever à travers ces ténèbres jusqu’à l’union avec ce même Dieu qui est au-dessus de toute substance, et au-dessus de tout ce que l’entendement peut connaître : c’est une connaissance si relevée de l’Être divin, et une union si intime et si divine, que Dieu seul, par une grâce, une faveur spéciale, peut élever l’âme à une pareille hauteur. Quelque grand et quelque admirable que soit ce que l’âme découvre et contemple alors, il lui semble néanmoins qu’entre ce qu’elle connaît de Dieu et ce qu’elle ignore, il y a un abîme infini.

Les choses extraordinaires qui se passent dans cette oraison si élevée lui ont fait encore donner d’autres noms. Ainsi, quand les visites de Dieu, les illustrations et les visions intérieures, les transports d’amour produits par l’union avec Dieu, viennent avec une telle véhémence que l’âme demeure élevée au-dessus des sens, et que tout mouvement corporel cesse, cette oraison s’appelle suspension ou extase. Lorsque l’opération divine se fait sentir soudainement et avec une grande force, elle s’appelle ravissement ; c’est le nom que donne saint Paul, quand il dit qu’il fut ravi jusqu’au troisième ciel. Lorsque c’est la suavité intérieure qui domine dans cette opération, elle s’appelle vol de l’esprit : c’est ce que souhaitait David quand il disait : « Qui me donnera des ailes comme la colombe, et alors je volerai, et je me reposerai ! » Parfois il arrive que le corps est élevé de terre, et qu’il suit le mouvement de l’esprit, qui prend son essor vers le ciel et va en contempler les merveilles.

Dans toutes ces suspensions, extases, ravissements, quand ce sont des faveurs venant de Dieu, l’esprit n’est point oisif ni endormi ; mais il voit, il entend, il comprend quelque chose ; il admire, il jouit, il aime. Mais quand il ne fait rien ni ne reçoit rien, cela est plutôt s’appeler un enchantement ou somnolence d’une tête faible ou égarée, ou un piège et une illusion du démon. Commes ces choses extraordinaires sont dangereuses de leur nature, on ne doit ni les désirer, ni y prétendre ; il faut au contraire les fuir, jusqu’à ce que Notre-Seigneur force à les recevoir, et fasse connaître à celui qui les sent que Sa volonté est de le conduire par cette voie.

Telles sont les choses qu’embrasse ce mode d’oraison et de contemplation qu’il plut à Notre-Seigneur de communiquer au Père Balthasar, pour plusieurs raisons et pour plusieurs fins. La principale est celle-ci : comme Il l’avait choisi pour maître de la science spirituelle et pour guide d’un très grand nombre d’âmes marchant dans les voies de l’oraison, Il voulut qu’il fût lui-même très avancé dans ces voies, et qu’il connût par expérience les divers chemins par lesquels le divin Esprit a coutume de connaître ses élus. Cette raison, le Père Balthazar lui-même la découvrit, et voici comment il l’a approfondie dans le Traité dont nous avons déjà fait mention :

« D’abord, dit-il, celui qui n’a jamais appris le grec, et qui ne sait pas le lire, n’entendra point cette langue, et beaucoup moins sera-t-il capable de l’enseigner. Secondement, il convient, dans la science spirituelle plus que dans les autres, que le maître soit comme la cause supérieure et universelle qui viennent en aide à tous, dirigeant chacun selon son degré et son avancement, dans toutes les voies où Dieu le guide, voies qui sont nombreuses, bien que toutes tendent à une même fin ; et pour cela, il importe grandement d’avoir l’expérience de toutes. Dans ce chemin, c’est l’expérience qui fait les maîtres supérieurs ; et, bien que la spéculation, la lecture des écrits des saints et des auteurs mystiques soient d’un grand secours, la propre expérience est néanmoins d’un secours incomparablement plus grand. C’est une immense consolation pour le disciple, comme le dit très bien un maître de la vie spirituelle, quand son guide peut lui dire : Je suis passé par là, telle ou telle chose que vous me dites, je les ai éprouvées ; quand il le prévient et lui montre qu’il connaît la voie où il marche, et le terme où il tend ; quand il l’entend à demi-mot, et lui fait comprendre ce qu’il ne peut expliquer. Cette science expérimentale est de la plus grande efficacité pour faire avancer les disciples ; ils ont plus foi  aux paroles de leur maître, et ils estiment ce qu’il leur enseigne, éprouvant un sentiment pareil à celui des apôtres quand ils disaient à Jésus-Christ : “Nous savons maintenant que vous connaissez toutes choses, et qu’il n’est nullement besoin que quelqu’un vous interroge : en cela nous croyons que vous êtes sorti de Dieu : Nunc scimus quia scis omnia, et non opus est tibi ut quis te interroget : in hoc credimus quia a Deo existi ” (9).

 

 

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