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27 avril 2011 3 27 /04 /avril /2011 17:30

CONSEILS DE SAINT JEAN DE LA CROIX, DE SAINTE THÉRÈSE D’AVILA

ET DU R. P.  F.-D. JORET

 

Saint Jean de la Croix, Docteur Mystique, La Montée du Mont Carmel, livre II, chapitre III :

 

« La foi, disent les théologiens, est une habitude de l’âme certaine et obscure. Et la raison pour laquelle elle est une habitude obscure, c’est parce qu’elle fait croire des vérités révélées par Dieu même, lesquelles sont au-dessus de toute lumière naturelle et surpassent tout entendement humain, sans aucune proportion. D’où vient cette excessive lumière de la foi, qui est donnée à l’âme, lui est une obscure ténèbre, parce que le plus surmonte le moins et nous en prive, — tout de même que la lumière du soleil éclipse toutes les autres lumières, en telle sorte que leur lumière ne paraît point quand elle luit, et elle surmonte notre puissance visive. Voire elle l’aveugle et la prive de la vue qui lui est donnée, pour autant que sa lumière est excessive et fort disproportionnée à la puissance visive. Ainsi la lumière de la foi par son grand excès opprime et vainc celle de notre entendement, lequel s’étend seulement de soi à la science naturelle, encore qu’il ait une puissance pour le surnaturel, quand Notre Seigneur voudra le mettre en un acte surnaturel. […]

«  De manière que ce qu’on doit tirer d’ici, c’est que la foi, qui est une nuit obscure, donne lumière à l’âme qui est en obscurité, pour que vienne à se vérifier aussi ce que dit David à ce propos, disant : “La nuit sera mon illumination en mes délices” (Psaumes, 138 : 11). Comme qui dirait : dans les plaisirs de ma pure contemplation et union avec Dieu, la nuit de la foi me servira de guide. En quoi il donne clairement à entendre que l’âme doit être en ténèbres pour avoir lumière et pour pouvoir faire ce chemin. »

 

Ibid., livre II, chapitre XII :

 

« […] D’où vient que ceux qui imaginent Dieu sous quelques-unes de ces figures — ou comme un grand feu, ou comme une lumière (esp. : resplandor : lumière éclatante), ou autres formes — et pensent que quelque chose de cela Lui ressemble, sont bien loin du compte. Car, encore qu’il soit nécessaire aux commençant d’avoir ces considérations, ces formes et ces moyens de méditations pour affectionner et appâter l’âme par les sens (comme nous dirons ci-après) et qu’ainsi ils leur servent de moyens éloignés pour s’unir à Dieu — par lesquels les âmes doivent ordinairement passer pour parvenir au terme et station du repos spirituel — néanmoins, ce doit être en telle sorte qu’ils passent par eux, sans s’y arrêter toujours. Autrement dit, ils n’arriveraient jamais au terme, lequel n’est pas comme les moyens éloignés et n’a rien à démêler avec eux. Tout ainsi que les degrés de l’escalier n’ont rien de commun avec le terme ou le haut de la montée dont ils sont les moyens ; et si celui qui monte ne laissait les degrés en arrière, jusqu’à ce qu’il n’y en est plus, et s’il voulait s’arrêter  sur quelqu’un d’entre eux, il ne parviendrait et ne monterait jamais à la paisible et à l’agréable demeure du terme. […] Ainsi saint Paul, dans les Actes des Apôtres (17 : 29), dit que “nous ne devons pas estimer ce qui est divin être semblable à l’or ou à l’argent ou à la pierre artistement taillée ou à ce que l’homme peut fabriquer avec l’imagination.” »

 

Ibid., chapitre XIV :

 

« […] Étant alors certain, selon Aristote et selon les théologiens, que tant plus la lumière divine est haute et élevée, elle est d’autant plus obscure à notre entendement. […] »

 

Ibid., chapitre XVI :

 

« […] Partant, je dis que de toutes ces appréhensions et visions et de toutes autres formes et espèces — qui s’offrent sous forme ou image ou quelque intelligence particulière — soit fausses de la part du diable, soit qu’on les connaisse pour véritables de la part de Dieu, l’entendement ne doit s’en embarrasser ni appâter ; l’âme ne doit les admettre ou garder, si elle veut être détachée, dénuée, pure et simple, sans aucun mode ni manière, comme il est requis à l’union. […] Or qu’en Dieu il n’y est aucune forme ni ressemblance, le Saint-Esprit le donne assez à l’entendre au Deutéronome (4 : 12), disant : “Vous avez ouï la voix de ses paroles et vous n’avez vu absolument aucune forme en Dieu.”  Mais Il dit qu’il y avait là des ténèbres, une nuée et l’obscurité ; qui sont la connaissance confuse dont nous avons parlé, en laquelle l’âme s’unit avec Dieu. Et Il dit après (4 : 15) : “Vous n’avez vu aucune ressemblance le jour où le Seigneur parla du milieu du feu sur le mont Oreb.” Or que l’âme ne puisse parvenir à la hauteur de Dieu — autant qu’il se peut en cette vie — par le moyen de quelques formes et figures, le même Esprit-Saint le dit dans les Nombres (12 : 6-8), où Dieu reprenant Aaron et Marie, frère et sœur de Moïse, de ce qu’ils murmuraient contre lui, pour leur donner à entendre le haut état d’union et d’amitié qu’Il lui avait donné, dit : Si quelqu'un parmi vous est prophète du Seigneur, je lui apparaîtrai dans la vision, ou je lui parlerai en songe. Mais tel n'est pas mon serviteur Moïse, qui est très fidèle dans toute ma maison; car c'est bouche à bouche que je lui parle, et c'est clairement et non en énigmes et en figures qu'il voit le Seigneur .” En quoi Il donne clairement à entendre qu’en ce haut état d’union dont nous parlons, Dieu ne se communique point à l’âme par aucun déguisement de vision imaginaire, de ressemblance ou de figure, et il ne doit point s’y en trouver ; mais bouche à bouche, c’est-à-dire, essence pure et nue de Dieu (esp. : esto es, esentia pura y desnuda de Dios) — qui est comme la bouche de Dieu en amour  — avec l’essence pure et nue de l’âme qui est la bouche de l’âme en l’amour de Dieu. Partant, pour venir à cette union essentielle de l’amour de Dieu, l’âme doit prendre garde de ne point s’appuyer aux visions imaginaires, ni aux formes, ni aux figures, ni aux intelligences particulières, puisqu’elles ne peuvent lui servir de moyen proportionné et prochain pour un tel effet ; mais au contraire elles lui seront un empêchement : et pour ce sujet elle doit y renoncer et s’efforcer de ne pas les avoir (esp. : de renunciar y procurar de no ternerlas). »

 

Ibid., chapitre XIII :

 

« Il y a beaucoup à dire touchant la fin que Dieu prétend et la façon dont Il Se sert en donnant ces visions pour élever l’âme de sa bassesse à Sa divine union. Tous les livres spirituels en traitent, et en notre traité aussi le but que nous poursuivons est de le donner à entendre. Et pour cela, je dirai seulement en ce chapitre ce qui suffira pour satisfaire à notre doute, qui était de savoir pourquoi Dieu, qui est très sage et qui est soigneux d’ôter les âmes des écueils et des pièges, offre et communique ces visions surnaturelles, puisqu’il y a tant de péril et d’embarras pour passer plus avant avec elles, — comme nous avons dit.

« Pour répondre à cela, il faut présupposer trois fondements. Le premier est de saint Paul (Romains, 13 : 1) qui dit : “que les choses qui sont, sont ordonnées par Dieu.” Le second est du Saint-Esprit, au livre de la Sagesse (8 : 1), où Il dit que “la Sagesse de Dieu, encore qu’elle touche d’une fin à l’autre — c’est-à-dire d’une extrémité à l’autre — dispose toutes choses suavement.” Le troisièmement est des théologiens qui disent que Dieu meut toutes choses à leur mode.

Or, il est évident, selon ces fondements, que Dieu pour mouvoir une âme et la relever de la fin et de l’extrémité de sa bassesse à l’autre fin et extrémité de Sa grandeur en Sa divine union, Il doit le faire avec ordre et suavité et à la manière de l’âme. Attendu donc que l’ordre que tient l’âme en sa connaissance est par les formes et par les images des choses créées, et que sa manière de connaître et de savoir est par les sens, de là vient que Dieu pour élever l’âme à la souveraine connaissance et pour le faire suavement, doit commencer par le plus bas degré et par l’extrémité des sens de l’âme, afin de la conduire à sa façon, jusqu’à l’autre fin de Sa sagesse spirituelle, qui ne tombe point dans les sens. C’est pourquoi Il l’instruit premièrement dans les formes et les images et par les voies sensibles — selon sa manière d’entendre — tantôt naturelles, tantôt surnaturelles, et par le moyen du discours Il la conduit au souverain Esprit de Dieu.

Et c’est la cause pour laquelle Il lui donne les visions et les formes et les images et les autres notices spirituelles, sensibles et intelligibles. Ce n’est pas que Dieu ne voulût bien lui donner aussitôt la sagesse de l’esprit, dès le premier acte, si les deux extrémité, qui sont l’humain et le divin, le sens et l’esprit, pouvaient convenir, par voie ordinaire, et se joindre par un seul acte, sans qu’il intervînt  premièrement de nombreux actes de disposition, — lesquels conviennent entre eux avec ordre et suavité, les uns servant de fondement et de dispositions aux autres, tout ainsi qu’en les agents naturels. Et ainsi les premiers servent aux seconds et les seconds aux troisièmes et ainsi du reste, ni plus ni moins. De même Dieu va perfectionnant l’homme à la manière de l’homme, du plus bas et extérieur jusque au plus haut et intérieur.

D’où vient que premièrement Il lui perfectionne le sens corporel, l’incitant à user des bons objets naturels, parfaits et extérieurs : comme à ouïr les sermons à la messe, voir des choses saintes, mortifier le goût en mangeant, mâter l’attouchement avec des pénitences et austérités. Et quand ces sens sont déjà quelque peu préparés, Il a coutume de les perfectionner davantage, leur départant quelques faveurs surnaturelles et caresses pour les confirmer de plus en plus au bien, leur offrant quelques communications surnaturelles, comme visions corporelles de Saints ou de choses saintes, de très suaves odeurs, des paroles et dans le toucher de très grands délices, par lesquelles choses le sens est fort confirmé dans la vertu et rendu étranger à l’appétit des mauvais objets. En outre les sens corporels intérieurs, dont nous traitons ici, comme sont l’imaginative et la fantaisie, sont conjointement perfectionnés et habitués au bien par des considérations, méditations et des saints discours, et instruisant l’esprit en tout cela. Or, Dieu a coutume d’illuminer ces personnes, étant disposées par cet exercice naturel, et de les spiritualiser davantage par quelques visions surnaturelles — que nous appelons en ce lieu imaginaires — avec lesquelles aussi (comme nous venons de dire) l’esprit profite grandement, lequel tant en les unes qu’en les autres, se polit et se forme peu à peu. Ainsi Dieu mène l’âme de degré en degré jusqu’au plus intérieur : non qu’il soit toujours nécessaire de garder cet ordre du commencement à la fin si ponctuellement, car Dieu fait parfois l’un sans l’autre, allant par ce qui est le plus intérieur à ce qui l’est moins, ou donnant le tout ensemble. C’est comme Dieu voit être convenable à l’âme et selon qu’Il veut la gratifier. Mais la voie ordinaire est conforme à cela.

 

À SUIVRE

 

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