Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
5 mai 2011 4 05 /05 /mai /2011 09:28

 

 

Ainsi donc Dieu l’instruit et la rend spirituelle, commençant à lui communiquer le spirituel par les choses extérieures, palpables et accomodées aux sens, selon la petitesse et l’incapacité de l’âme, afin que sous l’écorce de ces choses sensibles, qui sont bonnes en soi, l’esprit fasse des actes particuliers et reçoive tant de morceaux de communication spirituelle qu’il s’habitue au au spirituel et parvienne à la substance actuelle de l’esprit qui est éloignée de tout sens — à laquelle (comme nous avons dit) l’âme ne peut parvenir que bien peu à peu, à sa manière, par le sens, auquel elle a toujours attachée. Si bien qu’à mesure qu’elle s’approche plus de l’esprit, en traitant avec Dieu, tant plus elle se dépouille et évacue des voies des sens, qui sont celles du discours et de la méditation imaginaire. D’où vient que quand elle traitera parfaitement avec Dieu, il faut par nécessité qu’elle ait évacué tout ce qui pouvait tomber sous le sens, touchant Dieu. Comme tant plus une chose s’appuie à une extrémité, elle s’éloigne et s’aliène d’autant plus de l’autre, et quand elle s’appuira parfaitement, elle sera parfaitement écartée de l’autre extrémité. Ce qui a donné lieu au proverbe spirituel, que quand on a goûté une fois de l’esprit, toute la chair dégoûte, c’est-à-dire que les goûts et les voies de la chair ne servent et ne plaisent plus — en quoi l’on entend tout ce qui est de la manière de procéder du sens touchant les choses spirituelles. Ce qui est évident : parce que si c’est esprit, il ne tombe plus au sens ; et s’il est tel que le sens puisse le comprendre, ce n’est pas pur esprit. Car tant plus le sens et l’appréhension naturelle en peuvent savoir tant moins il a d’esprit et de surnaturel (comme nous l’avons donné à entendre plus haut).

Partant l’esprit déjà parfait ne tient compte du sens, ne reçoit les choses par son entremise, ne s’en sert principalement ni n’a besoin de s’en servir en ce qui concerne Dieu, comme il faisait avant qu’il fût avancé en l’esprit. C’est ce que saint Paul signifia, écrivant aux Corinthiens (I Cor., 13 : 11) : “Quand j’étais enfant, je parlais en enfant, j’avais des sentiments d’enfant, et mes pensées étaient pensées d’enfant ; mais quand je suis devenu grand, j’ai évacué les traits de l’enfance.” Nous avons déjà donné à entendre comment les choses du sens et la connaissance que l’esprit peut tirer par là sont exercices puérils. Et partant, si l’âme voulait toujours s’y lier et ne pas s’en retirer, elle demeurerait toujours en enfance, et parlerait de Dieu en enfant, jugerait et penserait de Dieu en enfant ; attendu que s’attachant à l’écorse du sens —  qui est l’enfant — elle ne parviendrait jamais à la substance de l’esprit — qui est l’homme parfait. C’est pourquoi l’âme ne doit admettre les révélations susdites, afin de croître — encore que Dieu les lui offre, — ainsi que l’enfant doit quitter la mamelle pour accoutumer son palais à une viande plus forte et plus nourrissante.

Vous me direz qu’il sera besoin que l’âme en use, étant petite, et qu’elle les laisse quand elle sera grande — comme il faut que l’enfant prenne le tétin pour se sustenter jusqu’à ce qu’il soit assez fort pour le quitter. Je réponds que, touchant la méditation et le discours naturel où l’âme commence à chercher Dieu, il est certain qu’elle ne doit pas laisser la mamelle du sens pour se sustenter , jusqu’à ce qu’elle en vienne en la saison et au temps qu’elle puisse la quitter — qui est lorsque Dieu met l’âme en un commerce plus spirituel, qui est la contemplation, dont nous avons traité dans le treizième chapitre de ce livre (livre II). Mais  quand ce sont des visions imaginaires ou d’autres appréhensions surnaturelles, qui peuvent tomber sous le sens, sans le libre arbitre de l’homme, je dis qu’en tout temps et saison —  soit en état parfait, soit moins parfait — quoiqu’elles viennent de la part de Dieu, l’âme ne doit les admettre pour deux raisons : l’une, parce que (comme nous l’avons dit) Dieu produit leur effet en l’âme sans qu’elle puisse nullement l’empêcher — quoiqu’elle empêche et puisse empêcher la vision, ce qui arrive très souvent : et par conséquent, cet effet qu’elle devait causer en l’âme lui est communiqué beaucoup plus en substance, bien que ce ne soit de cette manière. Car (comme nous l’avons aussi dit) l’âme ne peut empêcher les biens que Dieu veut lui communiquer —  ni n’en est capable  — si ce n’est par quelque imperfection ou propriété ; et à renoncer à ces choses par humilité et par crainte, il n’y a point d’imperfection ni de propriété. L’autre est pour se délivrer du danger et de la peine qu’il y a pour discerner les mauvaises des bonnes et reconnaître si c’est un ange de lumière ou un ange de ténèbres : où il n’y a aucun profit , mais du temps perdu, et un embarras de l’âme en cela, avec danger de s’exposer à plusieurs imperfections et de demeurer en arrière — ne mettant pas l’âme en ce qui est à propos, la dégageant d’un fatras de petites appréhensions et intelligences particulières, selon ce que nous avons dit des visions corporelles et dirons après davantage de celles-ci.

Croyez que si Notre Seigneur ne conduisait l’âme selon sa portée (comme nous avons dit), Il ne lui communiquerait jamais l’abondance de son esprit par ces étroits canaux de formes, de figures et particulières intelligences, par le moyen desquelles Il sustente l’âme, comme de petites miettes. C’est pourquoi David disait (Psaumes, 147 : 17) : “Mittit crystallum suam sicut bucellas” ; Ce qui est comme dire : Il envoie sa sagesse aux âmes comme par bouchées ; ce qui est grandement déplorable, vu que l’âme a une capacité infinie, on lui donne à manger par des bouchées du sens, à cause de son peu d’esprit et de son inhabilité sensuelle. Et pour ce sujet aussi, ce peu de disposition et cette petitesse pour recevoir l’esprit affligeait saint Paul quand il disait aux Corinthiens (I Corinthiens, 3 : 1-2) : “Mes frères, quand je suis venu vers vous, je n’ai pas pu vous parler comme à des spirituels, mais comme à des charnels. Je vous ai allaités comme des enfants dans le Christ au lieu de vous donner une viande solide : parce que vous n’en étiez pas capables et ne l’êtes pas encore à présent”.

Il reste donc maintenant à savoir que l’âme ne doit jeter les yeux sur cette écorce de figure et cet objet  qu’on lui propose surnaturellement, soit touchant le sens extérieur  (esp. : Resta, pues, ahora saber que el alma no ha de poner los ojos de delante sobrenaturalmente, ahora sea acerca del sentido exterior) : comme sont les discours et les paroles à l’ouïe, les visions de Saints et les belles lumières aux yeux, les odeurs au nez, les goûts et les suavités au palais et d’autres plaisirs en l’attouchement, qui ont coutume de procéder de l’esprit — ce qui est fort ordinaire aux personnes spirituelles. Et elle ne doit non plus mettre les yeux en aucune vision du sens intérieur, comme sont les imaginaires ; au contraire, renonçant à tout, elle doit non seulement les jeter sur le bon esprit qu’elles causent, tachant de le conserver en travaillant et mettant en pratique ce qui est du service de Dieu, avec ordre, sans avoir égard à ces représentations, et sans désirer aucun goût sensible. Ce faisant, on ne prend de cela que ce que Dieu en prétend et désire —  qui est l’esprit de dévotion — puisqu’Il ne les pour autre fin principale ; et on laisse ce qui qu’Il ne donnerait pas, si on pouvait le recevoir recevoir en esprit sans cela (comme nous avons dit) l’exercice et l’appréhension du sens. »

 

Ibid., chapitre XXII :

 

« […] Car l’âme humble a cela de propre qu’elle n’entreprend point de traiter avec Dieu par elle seule, et qu’elle ne peut se satisfaire sans la conduite et le conseil humain. Et Dieu le veut ainsi, parce qu’Il est avec ceux qui s’assemblent pour savoir la vérité, afin de l’éclaircir et confirmer en eux, appuyée sur la raison naturelle, comme Il promit de le faire avec Moïse et Aaron assemblés, parlant par la bouche de l’un et de l’autre. C’est pourquoi Il dit aussi dans l’Évangile : “Là où deux ou trois seront assemblés  pour délibérer sur ce qui est plus à l’honneur et à la gloire de mon nom —  Je suis là au milieu d’eux” (S. Matthieu, 28 : 20).

 

Sainte Thérèse d’Avila, Vie, chapitre XVIII : 

 

« Je me trouvais dans l'angoisse [?], quand un religieux très instruit de l'ordre du glorieux saint Dominique vint dissiper mon doute [?]. Il me dit que Dieu était véritablement présent en moi, et m'expliqua comment il se communique à nous; aussi je fus grandement soulagée ».

 

Id., Château intérieur, Cinquième demeure, chapitre III :

 

 « Sachez, mes filles, que cette union de pure conformité à la Volonté de Dieu, il n’est point nécessaire que les puissances soient suspendues. Dieu, qui est tout puissant, a mille moyens d’enrichir les âmes et de les conduire dans ces demeures, sans les faire passer par ce chemin abrégé donr j’ai parlé [suspension des puissances de l’âme], je veux dire sans les élever à cette divine union [à l’union passive] avec Lui, d’où, après quelques moments, elles sortes toutes transformées. Mais remarquez bien que dans tous les cas il faut que ce vers mystique meure [capital !], et que dans cette union de pure conformité à la Volonté divine, sa mort doit nous coûter plus cher. En effet, dans cette union surnaturelle où l’on goûte en Dieu de si grands délices, le bonheur qu’elle éprouve de vivre d’une vie si nouvelle, aide beaucoup à faire mourir ce vers ; tandis que dans l’union de conformité il faut que l’âme, sans sortir de la vie ordinaire, lui donne elle-même la mort. J’avoue, mes filles, que ce dernier état est beaucoup plus pénible que le premier, mais la récompense en sera beaucoup plus grande, si nous sortons victorieuse du combat, pourvu que notre volonté soit véritablement unie à celle de Dieu [par la foi pure et nue]. C’est là l’union que j’ai désirée toute ma vie, et que j’ai toujours demandée à Notre-Seigneur. C’est aussi celle qui est la plus facile à connaître et la plus assurée. Mais, hélas ! qu’ils sont peu nombreux ceux qui doivent y arriver ! »

 

Quelle sagesse dans cette phrase du Docteur Mystique extraite de sa Montée du Mt Carmel, au chapitre V du livre I :

 

« Parce que l'âme qui ne prétendra rien que de garder parfaitement la loi de Dieu et de porter la croix de Jésus-Christ sera la vraie arche, et aura en soi la vraie manne qui est Dieu, - quand elle viendra à garder en soi parfaitement cette loi et cette verge, sans aucune autre chose ».

 

Voici les merveilles que nous révèle sainte Thérèse de Jésus d’une âme parvenue à l’achèvement parfait de son union avec Dieu tel qu’il est, c’est-à-dire au sommet de la contemplation mystique (Le château intérieur, septième demeure, ch. I) :

 

« […] Mais quand Dieu l’unissait à Lui, elle [l’âme] ne comprenait plus rien, vu que toutes ses puissances étaient suspendues. Ici, il en est autrement. Notre Dieu de bonté veut que les écailles des yeux de l’âme tombent enfin pour qu’elle voie et comprenne par un mode extraordinaire quelque chose de la faveur qu’Il lui accorde. Dès qu’elle est introduite dans cette demeure, les trois Personnes de la très sainte Trinité se montrent à elle par une vision intellectuelle, ou une certaine représentation de la Vérité, à la lumière d’une flamme qui éclaire d’abord son esprit, comme une nuée d’une incomparable splendeur. Elle voit que ces trois Personnes sont distinctes ; puis, par une connaissance admirable qui lui est donnée, elle comprend avec la plus complète certitude que ces trois Personnes sont une seule Substance, un seul Pouvoir, une seule Sagesse et un seul Dieu. Ce que nous connaissons par la Foi, l’âme le comprend on peut le dire, par la vue ; néanmoins, elle ne voit rien, ni des yeux du corps, ni des yeux de l’âme, car ce n’est pas une vision imaginaire [parfait !]. Les trois Personnes se communiquent alors à elle, lui parlent, et lui donnent l’intelligence de ces paroles par lesquelles Notre-Seigneur dit dans le saint Evangile qu’Il viendra Lui-Même avec le Père et le Saint-Esprit habiter dans l’âme qui L’aime et qui garde Ses commandements (a). »

a)  Cf. Saint Jean, XIV, 23.

 

À SUIVRE

 

 

 

Partager cet article
Repost0

commentaires

Présentation

  • : Le Présent éternel
  • : Thèse et synthèse sur la logique, la philosophie, la métaphysique, la politique, les mathématiques, la physique, la chimie, la théologie et la mystique élaborées à la lumière des premiers principes de la raison spéculative, principes immuables et éternels qui constituent les fondements du thomisme
  • Contact

Recherche

Liens