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23 novembre 2012 5 23 /11 /novembre /2012 14:54

 

 

Quoique cette erreur ait pour beaucoup l'origine que nous venons de dire, d'autres, cependant, la partagent sans avoir jamais été souillés des superstitions païennes  ; c'est qu'ils interprètent mal ce passage de la Genèse : « Faisons l'homme à notre image et ressemblance. » Leur ignorance et leur simplicité les font tomber dans l'hérésie des anthropomorphites, qui soutiennent avec une coupable opiniâtreté que la substance simple et infinie de la Divinité a une forme et une figure humaine. Celui qui sera instruit des dogmes catholiques détestera cette doctrine païenne, et pour prier saintement, non seulement il ne donnera à la Divinité aucune forme corporelle, ce qui serait un blasphème, mais encore il effacera de son esprit l'idée de toute action et de toute parole capable d'altérer la vérité.

6. Je vous ai dit, dans notre dernière conférence, que l'âme s'élevait dans la prière selon le degré de sa pureté. Plus elle s'éloigne de la vue des choses matérielles et terrestres, plus elle se purifie et voit intérieurement Jésus-Christ dans les abaissements de sa vie ou dans la majesté de sa gloire. Celui-là ne pourra voir Jésus-Christ dans toute sa puissance, s'il est encore faible comme les Juifs, et il ne dira pas avec l'Apôtre : « Si nous avons connu le Christ selon la chair, nous ne le connaissons plus ainsi maintenant. » (II Cor., V, 16.) Ceux-là seulement contemplent la Divinité d'un oeil très pur, qui s'éloignent des œuvres et des pensées basses et terrestres, pour monter avec lui sur la montagne élevée de la solitude, où, libres du tumulte des passions et affranchis de tous les vices, ils contemplent à la clarté de leur foi et du haut de leur vertu la gloire et la beauté de son visage, que méritent de voir ceux qui ont le cœur pur.

Jésus, du reste, se laisse voir aussi par ceux qui demeurent dans les villes et dans les bourgs, c'est-à-dire, par ceux qui restent parmi les hommes et dans la vie active ; mais ce n'est pas avec cette clarté dont jouissent ceux qui peuvent monter avec lui sur la montagne des vertus, comme saint Pierre, saint Jacques et saint Jean. (S. Matth., XVII.) C'est ainsi qu'il apparut à Moïse dans la solitude (Exod., III), et qu'il parla à Élie. (Vulgate, III Rois, XVII, XIX.) Notre-Seigneur a voulu nous donner lui-même l'exemple de cette pureté parfaite, et quoiqu'il fût la source inaltérable de toute sainteté, et qu'il n'eût pas besoin de se retirer dans la solitude pour acquérir cette pureté, puisqu'il ne pouvait contracter aucune souillure du commerce des hommes, qu'il purifie et qu'il sanctifie, au contraire, il se retira cependant seul sur la montagne pour prier (S. Matth., XIV, 23), nous enseignant, par cette retraite, à nous séparer, comme lui, de l'embarras des affaires et du bruit de la foule, si nous voulons nous entretenir avec Dieu de toute notre âme et de tout notre cœur. Nous jouirons ainsi dès cette vie, à un certain degré, de cette béatitude promise aux saints dans le ciel  ; car Dieu nous sera tout en toutes choses. (I Cor., XV, 28.)

7. Alors s'accomplira parfaitement en nous cette prière, que le Sauveur adressait à son Père pour ses disciples : « Que l'amour dont vous m'avez aimé soit en eux, et qu'ils soient en nous. Qu'ils soient tous unis ; comme vous, mon Père, vous êtes en moi et moi en vous, qu'ils soient eux-mêmes en nous. » (S. Jean, XVII, 21.)

Cette prière de Notre-Seigneur ne peut manquer de s'accomplir, quand nous l'aimerons comme il nous aime. Et cela se fera lorsque tout ce que nous aimerons, tout ce que nous désirerons, tout ce que nous étudierons, rechercherons, penserons, verrons, dirons, espérerons, sera Dieu et Dieu seul, et que cette unité du Père avec le Fils, et du Fils avec le Père, pénétrera tellement notre esprit et notre cœur, que la charité, qui nous unit à lui, sera continuelle et inaltérable comme celle qu'il a pour nous. En demeurant ainsi unis à lui, Dieu sera notre espérance, notre pensée, notre parole  ; nous arriverons à cet état que Notre-Seigneur nous souhaitait dans sa prière : « Qu'ils soient tous un, comme nous le sommes nous-mêmes. Que je sois en eux, comme vous êtes en moi, et qu'ils soient ainsi consommés dans l'unité. » (S. Jean, XVII, 21.) C'est là le but que doit se proposer un religieux ; c'est vers cette image de la béatitude éternelle qu'il doit tendre, afin de mériter, de goûter dans le vase fragile de son corps, les prémices, les arrhes de ce bonheur, de cette gloire qui l'attendent au ciel. Oui, la véritable perfection pour l'âme est de se dépouiller de tout ce qui est charnel, pour s'élever de plus en plus vers les choses célestes, jusqu'à ce que toute sa vie, tous les mouvements de son coeur deviennent une continuelle prière.

8. L'ABBÉ GERMAIN. Votre première conférence nous avait étonnés, et nous en avions désiré une autre ; mais celle-ci nous étonne davantage. Plus vos enseignements nous donnent le désir de cette heureuse perfection, plus nous nous sentons découragés, parce que nous ignorons les moyens d'atteindre cet état sublime. Permettez-nous donc de vous exposer les pensées qui nous viennent, lorsque nous nous renfermons dans nos cellules pour prier. Vous nous écouterez avec patience, parce que nous savons que votre vertu ne s'offense pas de la folie des faibles, et qu'il leur est bon de se montrer à vous, afin que vous puissiez les corriger de leurs défauts. Il nous semble que dans tout art, dans toute profession, il est nécessaire, pour atteindre la perfection, de commencer par des choses très simples et très faciles, afin que ces premiers essais soient comme un lait nourrissant qui fortifie peu à peu, et permettent de s'élever graduellement des petites choses aux grandes. Les principes les plus élémentaires d'une profession en facilitent les débuts, et font arriver nécessairement et sans peine au plus haut degré de la perfection. Un enfant ne pourrait jamais prononcer les syllabes, s'il ne connaissait d'abord les lettres. Comment lirait-il couramment, s'il savait à peine assembler les mots ? Comment apprendrait-il la rhétorique et la philosophie, s'il ignorait les règles de la grammaire ? De même dans cet art sublime qui nous apprend à nous unir à Dieu, il y a certainement des principes qui servent de fondements solides pour élever l'édifice de notre perfection. Il nous semble que ces principes consistent d'abord dans le souvenir et la pensée de Dieu, et ensuite dans le moyen de fixer en nous ce souvenir et cette pensée. N'est-ce pas là toute la perfection ? C'est pourquoi nous désirons connaître ce moyen de concevoir Dieu, de le retenir en nous, afin que, si sa pensée nous échappe quelquefois, nous puissions promptement la rappeler et la ressaisir sans difficulté ; car il arrive souvent, qu'après nous être égarés dans nos prières, nous revenons à nous, comme si nous sortions d'un profond sommeil, et nous cherchons à ressusciter en nous cette pensée de Dieu que nous avons perdue. Nous nous fatiguons avant de l'avoir retrouvée, et notre attention se relâche bientôt sans avoir pu réussir. Il est évident que nous tombons dans cette confusion, parce que nous n'avons pas quelque chose de fixe, d'invariable qui puisse rappeler notre esprit de tous ses égarements, et le ramener, après bien des tempêtes, au port de la paix. Notre âme souffre de son ignorance et de ces difficultés ; elle va d'objet en objet, comme une personne ivre, recevant de tous les côtés des impressions différentes, et n'ayant de bonnes pensées qu'au hasard, sans savoir comment elles viennent et comment elles disparaissent.

9. L'ABBÉ ISAAC. La demande si précise et si spirituelle que vous me faites, est une preuve que vous n'êtes pas éloigné de cette pureté ; personne ne pourrait, je ne dis pas comprendre ce sujet, mais seulement en exposer les difficultés, sans avoir fait beaucoup d'efforts pour les pénétrer. Il faut avoir longtemps vécu saintement, et acquis de l'expérience pour désirer ainsi cette pureté et frapper à la porte de son sanctuaire. Je vois que vous ne vous êtes pas contentés d'arriver au seuil de la prière véritable, mais que vous en avez pénétré et touché les mystères ; que vous les possédez même à un certain degré. Aussi j'espère que je n'aurai pas beaucoup de peine, avec la grâce de Dieu, à vous faire entrer plus avant, et que vous saisirez sans peine les choses que j'ai à vous expliquer. On est bien prêt de connaître, quand on sait ce qu'il faut chercher, et la science n'est pas éloignée de celui qui commence à comprendre tout ce qu'il ignore. Je ne crains pas d'encourir le reproche d'indiscrétion ou de légèreté, en vous exposant ce que je vous avais caché, dans notre dernière conférence, sur la perfection de la prière ; car au point où vous êtes arrivés, la grâce de Dieu pourrait très bien tout vous apprendre, sans mon intermédiaire.

10. Vous avez fait une très juste comparaison en parlant de l'instruction des enfants, qui ne peuvent recevoir les premiers enseignements, lire et écrire couramment, s'ils n'étudient d'abord la forme des lettres, et s'ils ne s'exercent pas longtemps et avec soin à les reproduire. Il en est de même pour la science spirituelle que vous désirez acquérir : il faut avoir un modèle que vous puissiez regarder sans cesse, méditer et vous approprier de manière à vous élever peu à peu à des pensées plus parfaites. Voici cette règle que vous cherchez, cette formule de la prière, que tout religieux qui désire se souvenir continuellement de Dieu, doit s'accoutumer à méditer sans cesse dans son cœur, en en bannissant toute autre pensée ; car il ne pourra jamais la retenir s'il ne s'affranchit de toute inquiétude et de tous soins corporels. C'est un secret que nous ont laissé quelques-uns de nos anciens Pères, et que nous ne disons qu'au petit nombre de personnes qui le désirent avec ardeur.

Cette formule qui vous rappellera toujours Dieu, et dont vous ne devez jamais vous séparer, est celle-ci : « Mon Dieu, venez à mon aide : Seigneur, hâtez-vous de me secourir. Deus, in adjutorium meum intende : Domine, ad adjuvandum me festina (Psaumes, LXIX, 2). » Ce verset, choisi dans toute l'Écriture, renferme tous les sentiments que peut concevoir la nature humaine ; il convient parfaitement à tous les états et à toutes les tentations. On y trouve l'invocation de Dieu contre tous les dangers, l'humilité d'une sincère confession, la vigilance de la sollicitude et de la crainte, la considération de notre faiblesse, l'espérance d'être exaucé, la confiance en un secours présent et certain ; car celui qui invoque son protecteur est toujours certain de sa présence. On y trouve l'ardeur de l'amour et de la charité, la vigilance contre les piéges qui nous environnent et contre les ennemis qui nous attaquent nuit et jour, et l'âme confesse qu'elle ne peut en triompher sans le secours de son défenseur. Ce verset, pour ceux que les démons tourmentent, est un rempart inexpugnable, une cuirasse impénétrable, un bouclier qui nous couvrira toujours lorsque la paresse, l'ennui, la tristesse, le découragement nous accablent ; il nous empêche de désespérer de notre salut, en nous montrant Celui. que nous invoquons présent à nos combats et entendant nos supplications.

Lorsque les joies spirituelles inondent notre cœur, il nous avertit de ne pas nous élever et nous enorgueillir de ce bonheur que nous ne pourrions conserver sans la protection de Dieu, dont nous implorons sans cesse le prompt secours. Ainsi, dans quelque état que nous nous trouvions, ce verset nous sera toujours utile et nécessaire. Celui qui désire être secouru toujours et en toute chose, confesse qu'il a besoin de Dieu dans la prospérité comme dans le malheur ; car Dieu seul peut le tirer de la peine ou le conserver dans la joie, et, sans son secours, la faiblesse humaine succomberait de toute manière. Si je suis tenté de gourmandise, je désirerai des aliments que le désert ne connaît pas  ; et, dans la plus affreuse solitude, je sentirai d'odeur des mets qu'on sert sur la table des rois ; je serai entraîné malgré moi à en souhaiter de semblables. C'est l'occasion de dire : « Mon Dieu, venez à mon aide : Seigneur, hâtez-vous de me secourir. » Je serai tenté d'avancer l'heure du repas, ou j'éprouverai un violent désir d'augmenter la quantité ordinaire de ma nourriture ; je dois dire en gémissant : « Mon Dieu, venez à mon aide : Seigneur, hâtez-vous de me secourir. » Les révoltes de la chair m'obligeront à des jeûnes plus rigoureux, mais la faiblesse de mon estomac et l'état de ma santé m'arrêteront ; pour obtenir de pouvoir jeûner ou d'apaiser sans ce moyen les ardeurs de la concupiscence, je recourrai à la prière : « Mon Dieu, venez à mon aide : Seigneur, hâtez-vous de me secourir. » En me mettant à table, à l'heure accoutumée, j'aurai horreur du pain et je voudrai pouvoir me passer de nourriture  ; je dirai encore en soupirant : « Mon Dieu, venez à mon aide : Seigneur, hâtez-vous de me secourir. »

Lorsque je voudrai, par la lecture, fixer mon attention et mon cœur, le mal de tète m'en empêchera  ; ou dès la neuvième heure le sommeil m'envahira et me fera pencher sur mon livre, je serai porté à cesser ou à prévenir l'heure du repos, et la pesanteur de mes yeux me fera entre-couper la récitation des psaumes et de l'office, je crierai encore: « Mon Dieu, venez à mon aide : Seigneur, hâtez-vous de me secourir. » Quelquefois, au contraire, le sommeil fuira mes yeux, et le démon, pour me fatiguer, prolongera mes veilles, et m'ôtera, pendant la nuit, toute espèce de repos  ; je prierai alors et je dirai en soupirant : « Mon Dieu, venez à mon aide : Seigneur, hâtez-vous de me secourir. » Je lutterai contre les vices et les tentations de la chair, qui tâchent de me séduire au milieu de mon sommeil. Que faire pour empêcher la flamme étrangère de consumer les fleurs odorantes de la chasteté, si ce n'est de crier : « Mon Dieu, venez à mon aide : Seigneur, hâtez-vous vous de me secourir. » Si les mouvements de la concupiscence sont apaisés, comment conserver cet état, ou plutôt cette grâce que la bonté de Dieu m'accorde ? je dirai avec ferveur : « Mon Dieu, venez à mon aide : Seigneur, hâtez-vous de me secourir. » La colère, l'avarice, la tristesse me tourmentent  ; je perds cette douceur que je cherchais et que j'aimais tant, et je deviens amer comme le fiel, agité comme la tempête  ; je crierai en gémissant : « Mon Dieu, venez à mon aide : Seigneur, hâtez-vous de me secourir. » 

Quelquefois l'orgueil, la vaine gloire me travailleront, et je ressentirai une secrète complaisance en voyant la négligence et la tiédeur des autres  ; je combattrai les suggestions dangereuses de l'ennemi, en disant de toute la conviction de mon cœur : « Mon Dieu, venez à mon aide : Seigneur, hâtez-vous de me secourir. » Lorsque j'aurai vaincu l'orgueil et obtenu par la componction la grâce de l'humilité et de la simplicité, pour empêcher l'orgueil de revenir, et la main du pécheur de m'ébranler (Ps. XXXV, 12) ; pour que la joie de la victoire ne me cause pas une défaite plus honteuse, je crierai de toutes mes forces : « Mon Dieu, venez à mon aide : Seigneur, hâtez-vous de me secourir. » Mes distractions seront continuelles, infinies  ; je souffrirai de la légèreté de mon pauvre cœur, je ne pourrai retenir l'égarement de mes pensées, et toute ma prière sera traversée par les rêves et les fantômes de mon imagination, sans que je puisse écarter ce souvenir de mes paroles et de mes actions. Je me sentirai dans une stérilité, une aridité si grande, qu'il me sera impossible d'exciter en moi le moindre mouvement vers Dieu. Pour me délivrer de ces ténèbres de mon âme, que ne peuvent dissiper mes soupirs et mes larmes, je crierai encore : « Mon Dieu, venez à mon aide : Seigneur, hâtez-vous de me secourir. » Je rentrerai, au contraire, dans la possession de mon âme et dans la stabilité de mes pensées  ; mon cœur sera inondé d'une joie ineffable, et la visite de l'Esprit-Saint me donnera des lumières surabondantes, et me fera pénétrer les secrets divins et comprendre tout à coup avec évidence ce que j'apercevais à peine. Pour jouir longtemps de ces grâces, je dirai avec ferveur et souvent : « Mon Dieu, venez à mon aide : Seigneur, hâtez-vous de me secourir. » Les démons m'entoureront de terreurs pendant la nuit, et les esprits impurs me troubleront de leurs fantômes  ; la crainte me fera perdre l'espérance de mon salut et de ma vie. Je me réfugierai dans la prière comme au port, et je crierai de toutes mes forces : « Mon Dieu, venez à mon aide : Seigneur, hâtez-vous de me secourir. » La consolation de Dieu viendra me ranimer, et je me sentirai, à sa présence, comme environné d'une multitude d'anges. Les démons, que je craignais plus que la mort, et qui me glaçaient d'épouvante, ne me paraîtront plus si redoutables, et j'oserai moi-même les attaquer. Pour conserver cette force que la grâce me donne, je crierai encore de toute mon âme : « Mon Dieu, venez à mon aide : Seigneur, hâtez-vous de me secourir. »

Ainsi, nous devons sans cesse adresser à Dieu cette courte prière, afin de n'être pas abattus par l'adversité, ou orgueilleux dans la prospérité. Oui, méditez sans cesse ce verset dans votre cœur, récitez-le pendant votre travail, au milieu de vos occupations et lorsque vous êtes en voyage. Que votre esprit s'en nourrisse, en dormant, en mangeant, en subissant toutes les nécessités de la nature ; que sa méditation devienne pour vous comme une formule puissante et salutaire qui non seulement vous préservera de toutes les attaques du démon, mais encore vous purifiera des vices et de la contagion de la terre, pour vous élever à la contemplation des choses invisibles et célestes, et vous faire arriver à cette ineffable ardeur de la prière, que bien peu connaissent. Endormez-vous en récitant ce verset, de manière que, par habitude, vous le disiez encore pendant votre sommeil ; et lorsque vous vous réveillerez, que ce soit la première chose qui se présente à votre esprit. Dites-le en vous agenouillant, dès que vous quittez votre lit, et qu'il vous accompagne ainsi d'action en action pendant tout le cours de la journée. Méditez-le selon le précepte divin : soit que vous reposiez dans votre maison, soit que vous soyez en voyage, soit que vous dormiez, soit que vous vous leviez. Ecrivez-le sur vos lèvres et sur votre porte ; gravez-le sur les murs de votre demeure et au plus profond de votre âme», afin qu'il en découle naturellement, lorsque vous vous mettez en prière, et qu'il vous accompagne ensuite comme une oraison fervente et continuelle dans toutes les occupations de votre vie. 

11. Que l'âme s'attache donc à ces paroles, jusqu'à ce qu'à force de les méditer, elle éloigne et rejette cette abondance, cette richesse de pensées qui pourraient l'occuper, et qu'elle parvienne, en se renfermant dans la pauvreté de ce verset, à cette première des béatitudes de l'Évangile : « Bienheureux les pauvres d'esprit, parce que le royaume des cieux est à eux. » L'homme, devenant aussi saintement pauvre, accomplira cette parole du prophète : « Le pauvre et l'indigent loueront votre nom. » (Ps. LXXIII, 21.) Peut-il y avoir une pauvreté plus noble et plus sainte que la pauvreté de celui qui reconnaît manquer de toute force et de tout secours, et sollicite l'assistance continuelle d'autrui. Il comprend que sa vie, son existence de tous les instants dépend de la bonté divine  ; il confesse sincèrement qu'il est le mendiant du Seigneur, et il lui dit humblement chaque jour : « Pour moi, je suis pauvre et mendiant, mon Dieu, assistez-moi. » (Ps. XXXIX, 18.) La science infinie de Dieu l'éclaire, et il commence à pénétrer les plus sublimes mystères, selon cette parole du prophète : « Les montagnes élevées sont pour les cerfs, et les rochers le refuge des hérissons. » (Ps. CIII, 18.) Ce texte convient bien à notre sujet : celui qui vit dans la simplicité et l'innocence, celui qui ne fait aucune peine, aucun mal à personne, qui se contente de sa position, et qui désire seulement se défendre de l'attaque de ses ennemis, semble un hérisson spirituel qui se cache sous la pierre de l'Évangile, c'est-à-dire dans le souvenir de la passion de Notre-Seigneur  ; et la méditation continuelle de notre verset le protége contre toutes les embûches de ceux qui le poursuivent.

C'est de ces hérissons spirituels qu'il est dit dans les Proverbes (XXX, 26) : « Les hérissons sont des êtres faibles qui font leur demeure dans les pierres. » Qu'y a-t-il de plus faible qu'un chrétien, de plus infirme qu'un religieux qui, non seulement ne peut se venger d'aucune injure, mais qui ne doit pas même en éprouver la moindre émotion ?

Celui qui arrive à cet état possède, avec la simplicité de l'innocence, la vertu de discrétion ; il peut exterminer les serpents les plus dangereux, et fouler aux pieds le démon vaincu. Semblable au cerf spirituel, par la ferveur de son âme, il se nourrit sur les hauteurs des prophètes et des apôtres, et se rassasie de leurs plus sublimes mystères. Fortifié par cette céleste nourriture, il se pénètrera tellement des sentiments exprimés dans les Psaumes, qu'il ne paraîtra plus les réciter de mémoire, mais les composer lui-même, comme une prière qui découle du fond de son cœur  ; ou du moins il semblera qu'ils ont été faits pour lui spécialement, et que tout ce qui s'est passé en David s'accomplit encore dans sa personne.

 

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