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4 mars 2011 5 04 /03 /mars /2011 14:29

 

A. Gardeil, Dominicain, La Structure de l’âme et l’expérience mystique, en 2 volumes, J. Gabalda, Editeur, Paris, 1927, vol. 1, La Puissance obédientielle au Surnaturel, pp. 153-154 :

 

« Dans les pages qui précèdent, le Mens, indivisible dans son essence, nous est apparu, à un autre point de vue, divisé en deux parties qui se correspondent et se concernent réciproquement, le Mens capable de se connaître.

« Analysant cette structure essentielle, toute de l’ordre intelligible, nous avons remarqué, avec saint Augustin, que, dans son essence même, le Mens étant l’image de Dieu, Dieu lui-même [Trine et Un], en tant que sa ressemblance est impliquée dans son image, entrait dans la perspective du Mens, et, à ce titre, constituait un élément objectif de la vie psychologique [que deviendrait-elle en effet si elle omettait de parler des rôles fondamentaux tenus par la mémoire, l’intelligence et la volonté, les puissances incontournables de l’âme humaine que le mystère trinitaire nous dévoile magnifiquement ?], purement habituelle, préformée dans le fond même de notre âme.

C’est donc au sein de l’âme que se trouve posée la question de savoir, si, dans le Mens intelligent, capable de se connaître soi-même, et de reconnaître en soi l’image de Dieu qui lui est essentielle, il n’y aurait pas quelque capacité latente qui lui permît de rejoindre directement et en lui-même le Dieu dont il est par ailleurs l’image [cette capacité, en ce qui nous concerne, ne fait pas l’ombre d’un doute].

La foi catholique, en professant que la vision de Dieu est la fin suprême de la vie humaine, et qu’elle a, dès cette vie, et par anticipation, sa cause adéquate et efficace dans la grâce sanctifiante, reçue en nos âmes comme dans son sujet, affirme du même coup cette capacité foncière : capacité très initiale, il est vrai, puisqu’elle demande à la grâce et à la lumière de gloire les compléments surnaturels qui habiliteront l’âme en la proportionnant à la vision divine, mais capacité tout de même, puisque la vie de la grâce et vision divine sont reçues en nous, et sont bien nôtres. Cette capacité a reçu, dans la théologie, le nom de Puissance obédientielle au Surnaturel.

Et donc, après avoir déterminé le lieu où peut naître notre vie divine, le point précis où la grâce doit intervenir, à savoir le fond même de notre âme, nous pouvons, avec confiance, aborder l’autre question : Si l’essence du Mens intelligent et aimant est doué, en son fond, de la capacité de recevoir la grâce qui l’achèvera comme sujet proprement récepteur de la vie divine, en le mettant dans l’état de disposition ultime à la recevoir ?

Suivant notre habitude, nous nous adresserons, pour élucider cette question, aux deux maîtres authentiques de la Vie spirituelle, saint Augustin et saint Thomas d’Aquin. »

 

 

Id., ibid., La Puissance obédientielle au Surnaturel - Ce qu’en pense S. Thomas, article IV - La structure analogique de l’intellect en soi, pp. 326-332, 335-348,  :

 

« Commençons par préciser à nouveau de quel surnaturel il s’agit, quand nous parlons de la puissance obédientielle de l’âme au surnaturel. En définitive, ce ne peut être que du surnaturel de la vision béatifique. C’est à ce surnaturel suprême que toute la vie de la grâce, et la grâce elle-même, sont efficacement ordonnées. En matière de surnaturel le point de vue de la vision divine est décisif et dominateur. Partant, s’il est établi que nous avons une capacité quelconque d’être élevés à la vision de Dieu en lui-même, nous aurons, à plus forte raison, la capacité de recevoir la grâce et de vivre de la vie divine de la grâce, qui tendent uniquement à cette vision.

« Or, voir Dieu ne saurait concerner qu’une intelligence. C’est donc en l’intelligence humaine que nous devons rencontrer ce qui rend l’âme capable du surnaturel, j’entends dans l’intelligence humaine envisagée dans son fond, non seulement comme puissance intellectuelle, mais comme forme, comme principe caractérisant la nature humaine elle-même, mens.

« C’est pourquoi, dans cet article, nous concentrons nos efforts sur ce seul objectif : rechercher dans la nature intellectuelle de l’âme la raison de sa puissance obédientielle à être élevée à la vision divine (a).

« Comment engager cette recherche ? Sous quel angle peut s’établir un rapport entre la vision de Dieu et notre nature intellectuelle ? Autant que nous pouvons le prévoir, ce sera sous l’angle de l’être. Essayons de le démontrer brièvement.

« Dieu est absolument infini, séparé et indépendant de tout le créé. « Il habite une lumière inaccessible » (b). Il ne laisse pas cependant d’être conçu légitimement par nous comme un être, un existant, une essence. C’est ce qu’exige la causalité que nous somme obligés d’attribuer à l’Être par soi vis-à-vis de l’être qui, n’étant pas par soi, et cependant étant, est nécessairement par l’Être-par-soi.

« Si donc un rapport doit s’établir entre Dieu tel qu’il est en soi et notre intelligence, comme le suppose et l’accorde le dogme de la vision béatifique, c’est sous l’angle de l’être qu’il devra être recherché. D’une part, Dieu est de l’être ; d’autre part, l’intelligence est la faculté de l’être [qui en est son objet formel], telle est, en termes très généraux qu’il va falloir préciser, la donnée privilégiée, grâce à laquelle le raccord semble devoir s’établir. C’est la capacité de l’intelligence, comme telle, en matière d’Être divin, qui est en cause : c’est à son sujet que s’engage “ le combat des deux mondes ” [l’être en tant qu’être dans l’Être par soi ou incréé et l’être par un autre (per aliud) ou créé, comme l’intellect en tant que tel ou en soi dans l’intellect divin et l’intellect créé].

« […] Lorsque nous donnons le nom d’Être à Dieu et aux créatures, le concept que recouvre ce nom unique n’est pas, dans les deux cas, identiquement le même, comme lorsque nous donnons par exemple le nom d’animal à l’homme et à la bête ; car l’être n’est pas un genre commun à des espèces. Il n’y a pas de genre qui puisse réunir sous une même accolade le fini et l’infini. L’infini étant l’incirconscrit, fait éclater le genre qui le limite. Sous le nom commun d’être que nous accordons à Dieu et à l’être créé, il y a donc une équivoque conceptuelle, il y a deux réalités, si l’on peut déjà se servir de ce mot pour désigner Dieu, absolument diverses. — Le nom commun d’être a menti.

« Et cependant, cette diversité absolue n’est pas ratifiée par les faits. Comment sommes-nous parvenus à poser Dieu comme l’être par soi ? Nous avons considéré les êtres à notre portée ; nous les avons totalisés sous la rubrique la plus universelle et la plus dégagée de ce qui restreint l’être que nous puissions leur appliquer, car tous les êtres finis, dans tout ce qu’ils sont, accidents, qualités, opérations, modes, matière même, tout aussi bien que substance, sont de l’être et ne sont que de l’être ; enfin, les ayant ainsi totalisés, et les tenant pour ainsi dire ramassés dans une vue compréhensive de tout l’être qu’ils sont, nous avons reconnu, à certains signes irréfragables, que cet être qu’ils possèdent tous, ils ne l’ont pas par eux-mêmes, que l’être-par-un-autre qu’ils sont exige l’être qui est par soi ; et c’est ainsi que nous avons, avec vérité et nécessité, découvert Dieu. Il faut donc bien que Dieu soit de l’être, puisqu’il est la source d’où découle l’être : puisque L’ÊTRE qui n’est pas par soi ne saurait exiger que L’ÊTRE qui est par soi. Et donc Dieu et l’être créé ne nous offrent pas des concepts absoluments divers, totalement disparates et étrangers l’un à l’autre. — Le nom commun d’être n’a pas menti.

«  […] Ce qui suggère que le nom commun d’être ne ment pas, appliqué à Dieu, c’est, nous l’avons vu, la relation de dépendance essentielle et nécessaire de l’être créé vis-à-vis du Dieu dont il tire tout ce qu’il est, ramassé dans l’expression d’être. Car une telle relation, si d’un côté elle sépare, de l’autre unit et joint ses deux termes. Elle les sépare à l’infini, peut-on dire, puisqu’elle désigne la cause infiniment riche en fait d’être, qui possède l’être comme de source, per se ; puisque, d’ailleurs, l’effet jaillit de cette source ne possède l’être que morcelé, à la taille de son genre et de son espèce, et par manière d’emprunt incessant à sa cause. Mais aussi cette relation les unit dans une communauté inévitable, puisqu’il ne peut se rencontrer d’être dans l’effet qui ne soit originellement puisé dans la plénitude de l’Être cause. Et voilà ce que notre esprit qui voit sourdre l’un de l’autre, ne peut se dispenser de voir, voici par conséquent, car tout, dans un esprit qui pense, finit par se liquider en concepts, voici le concept très à part qu’il est amené à se former de l’être en tant qu’être [ou de l’étant en tant que tel]. Ce concept, pour rester un, devra demeurer dans une certaine confusion [(b) pas pour un métaphysicien : « Je-Suis » ou Dieu], et c’est ce concept d’une unité confuse que recouvre le nom unique d’être ; mais en cet état de confusion, il ne laisse pas de viser l’être aux deux étages où il rencontre sa réalité, l’étage de l’être essentiellement per se (par soi) et l’étage de l’être essentiellement per aliud (par un autre), et, sans confondre ces deux réalisations de lui-même, de les entendre comme proportionnés d’une certaine façon l’une à l’autre, dans l’attribution de la réalité que désigne confusément leur concept unique. Ce concept, un dans sa compréhension confuse [pour les mondains !], mais cependant double, en raison des deux réalités sur lesquelles il est apte à bifurquer, constitue ce que l’on appelle un concept analogique. Le concept analogique est un, mais tout de même se proportionne à deux réalités qu’il ne saurait désigner explicitement [et Dieu ?], tant qu’il reste un, mais qu’il devra séparément et explicitement représenter  s’il se réalise dans leur connaissance formelle. Tel est le singulier aboutissant d’une connaissance qui entend rester une, devant la diversité des choses connues. Concept artificieusement [ ?]  construit, mais concept VRAI, puisqu’il est l’aboutissement normal [logique], en un unique carrefour, des représentations divergentes que postulent nécessairement, dans l’esprit, des réalités aussi diverses que Dieu et le monde.

« Le concept analogique de l’être en tant qu’être, telle est donc la synthèse, dans laquelle refluent et se concentrent l’être créé et l’être par soi, lorsqu’ils se fondent pour nous en un unique objet intellectuel.

« […] 1. — On pourrait, faute d’entendre l’analogie de proportionnalité, le considérer (l’intellect en soi) comme un genre dont les deux espèces seraient l’intellect créé et l’intellect divin. Ce serait là une imagination monstrueuse. Comme nous l’avons dit, à propos de la concentration de l’être divin et de l’être créé en l’unique concept, il n’y a pas de genre univoquement commun au Divin en soi et au créé. L’intellect divin comme l’être divin fait éclater le genre étant infini.

« Mais ce n’est pas là ce que nous suggère l’attribution de la réalité conceptuelle analogique de l’être en tant qu’être à une intelligence en soi qui lui correspondrait adéquatement et formellement. Cet intellect en soi, pour correspondre à son objet, doit être nécessairement conçu comme un analogue, dont les deux analogués  demeurent ce qu’ils sont en soi. C’est une accolade entre deux intellects, dont l’un dépend essentiellement de l’autre, et qui, proportionnellement, se distribuent l’intellect en soi.

« 2. — Mais, dira-t-on, c’est là une abstraction qui ne correspond à aucune réalité existante, et qui, partant, est irréelle.

« Si l’on veut dire que l’intellect en soi ne se rencontre jamais réalisé comme tel, assurément on a raison. Mais le concept objectif que nous nous sommes formé n’a rien d’irréel car il tend, dans sa virtualité représentative, vers deux analogués, l’intellect divin et l’intellect créé, qui sont tout ce qu’il y a de plus réel. C’est une abstraction, soit ! mais une abstration dont le fondement existe dans la réalité [comme toute connaissance scientifique]. Etant situé au confluent de l’intellect divin et de l’intellect créé, l’intellect en soi constitue pour l’esprit, qui le voit ainsi surgir d’eux, une réalité conceptuelle des plus objectives, une essence manifeste.

« Seulement ce n’est pas une réalité conceptuelle distincte [séparée], une essence simple : c’est une réalité complexe, dont la virtualité confuse, en tant qu’elle vise deux intellects divers et proportionnels, est intérieurement hiérarchisée : c’est une réalité analogique.

« De même donc que le concept analogique de l’être en tant qu’être est un concept vrai, — ce qui signifie qu’il s’égalise à la réalité, — parce qu’il réunit, dans son unité confuse, l’être divin et l’être créé, qui, pris en eux-mêmes, sont respectivement l’objet vrai de l’intelligence divine et des intelligences créées, de même le concept analogique que nous formons de l’intellect en soi est un concept vrai [tendant au réel], dénonciateur de la réalité, parce qu’il réunit dans son unité confuse, et virtuellement hiérarchisé, l’intellect divin et l’intellect créé, de soi infiniment distants, mais tout de même en rapport proportionnel effectif et véritable (c).

« Ce rapport proportionnel des deux intellects est corrélatif au rapport proportionnel de leurs objets propres, puisque l’objet de l’intellect créé, l’être créé, ne se justifie adéquatement que par la relation à l’objet de l’intellect divin qui est l’être [l’essence de Dieu étant son Être]. Tout intellect, en effet, se définit par son ordre à son objet propre. Pour nier donc la réalité de l’intellect en soi, il faudrait aussi nier la réalité analogique de l’être en tant qu’être, que nous avons vue cependant s’affirmer avec tant d’objectivité au terme de notre analyse précédente.

« Concluons donc que ce qui correspond formellement et adéquatement au concept objectif, de portée très réelle, de l’être en tant qu’être, c’est la réalité analogique de l’intellect comme intellect.

 

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